Cour de justice de l’Union européenne, le 20 janvier 2022, n°C-891/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu à Luxembourg le vingt janvier deux mille vingt-deux, définit les limites du contrôle exercé sur les mesures antidumping. Ce litige trouve son origine dans un règlement imposant des droits définitifs sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure originaires d’un État tiers. Une société exportatrice a contesté cette mesure devant le Tribunal de l’Union européenne en critiquant la méthodologie retenue pour évaluer le préjudice subi par l’industrie nationale. Par une décision du vingt-quatre septembre deux mille dix-neuf, les juges de première instance ont annulé l’acte en raison d’une segmentation du marché qui aurait été insuffisamment explorée. L’institution compétente a formé un pourvoi en soutenant que le choix des outils techniques relève de son pouvoir discrétionnaire de gestion de la politique commerciale. Il s’agit de déterminer si l’obligation d’examen objectif impose une analyse exhaustive par segment de marché et par type de produit vendu sur le territoire européen. La Cour annule l’arrêt attaqué en validant l’usage des méthodes statistiques pour appréhender la réalité économique complexe des échanges internationaux contemporains. L’examen de cette solution conduit à observer la validation technique des méthodes de détermination du préjudice puis le rappel de la marge d’appréciation des institutions.

**I. La validation technique de la méthode de détermination du préjudice**

**A. L’adéquation des numéros de contrôle de produit à la segmentation du marché**

La Cour de justice valide l’usage de la méthode des numéros de contrôle de produit pour l’analyse de la sous-cotation des prix pratiqués sur le marché. Les juges soulignent que cette technique permet de garantir que « seuls des produits comparables sont comparés entre eux » lors de l’enquête administrative préalable menée par l’autorité. L’institution compétente avait intégré les caractéristiques propres aux différents segments de marché directement au sein des codes numériques identifiant chaque catégorie de tubes et de tuyaux. Ainsi, l’appréciation globale du préjudice causé au produit similaire n’impose pas une étude distincte par segment dès lors que les données techniques pertinentes sont effectivement traitées. La décision confirme que le choix des modalités de calcul relève de la compétence technique de l’organe en charge des investigations complexes de défense commerciale.

**B. L’absence d’obligation d’exhaustivité dans la comparaison des types de produits**

Le Tribunal avait initialement estimé que l’omission de certains types de produits vendus par l’industrie nationale viciait l’ensemble de l’analyse relative au préjudice important subi. Cependant, la juridiction supérieure considère que l’article trois du règlement de base ne prescrit aucunement la prise en compte de l’intégralité des ventes réalisées par l’industrie. La Cour précise qu’une comparaison n’est possible que lorsqu’il existe un type de produit importé correspondant techniquement à celui fabriqué par les entreprises de l’Union. Elle énonce qu’aucun principe n’oblige les autorités à « prendre en considération tous les types du produit en cause » pour évaluer l’incidence réelle des importations. L’exclusion de certaines transactions pour lesquelles aucune comparaison technique n’est réalisable ne constitue donc pas une méconnaissance de l’obligation d’examen objectif du marché communautaire. Après avoir validé la pertinence des outils techniques de comparaison des prix, il convient d’analyser la portée institutionnelle de cette décision sur le contrôle juridictionnel.

**II. Le rappel de la marge d’appréciation des institutions de l’Union**

**A. Le cantonnement du contrôle juridictionnel à l’erreur manifeste d’appréciation**

L’arrêt commenté réaffirme le large pouvoir d’appréciation dont bénéficient les institutions européennes dans la gestion des situations économiques et politiques particulièrement complexes du commerce mondial. Le contrôle opéré par le juge doit se limiter à la vérification du respect des formes procédurales et à l’absence d’une erreur manifeste d’appréciation. Le Tribunal a outrepassé ses prérogatives en substituant sa propre analyse économique à celle de l’institution sans démontrer l’existence d’une défaillance évidente dans le raisonnement. Par conséquent, l’intensité du contrôle juridictionnel ne saurait conduire à une remise en cause systématique des méthodes statistiques rigoureuses adoptées par l’autorité publique compétente. La Cour protège ainsi l’autonomie décisionnelle de l’organe exécutif face à des contestations portant uniquement sur des détails méthodologiques dépourvus de tout caractère décisif.

**B. La portée de l’exigence d’examen objectif selon les standards internationaux**

La solution s’inscrit en parfaite conformité avec les accords de l’Organisation mondiale du commerce tout en préservant la spécificité nécessaire du droit de l’Union européenne. L’interprétation des dispositions européennes doit s’effectuer à la lumière des rapports de l’organe d’appel pour assurer une application cohérente des règles du commerce international. Néanmoins, l’exigence d’un examen fondé sur des « éléments de preuve positifs » ne transforme pas le juge en un expert comptable des enquêtes antidumping diligentées. La décision favorise une application pragmatique des instruments de défense commerciale en évitant l’imposition de charges procédurales excessives et disproportionnées pour les administrations nationales. Enfin, cette jurisprudence stabilise le cadre légal applicable aux échanges extérieurs en offrant une sécurité juridique accrue aux différents acteurs opérant sur le marché intérieur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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