Cour de justice de l’Union européenne, le 20 juillet 2017, n°C-357/16

Par un arrêt rendu le 20 juillet 2017, la Cour de justice de l’Union européenne précise le champ d’application de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales. Un professionnel a acquis des créances issues de crédits à la consommation auprès d’établissements bancaires par l’effet de contrats de cession. Ce cessionnaire a entrepris des démarches de recouvrement forcé contre des particuliers, agissant parfois en même temps que des huissiers de justice mandatés. Un organisme de protection des consommateurs a sanctionné cette société pour avoir mis en œuvre des méthodes jugées déloyales lors de ses interventions.

La société a contesté cette sanction devant les juridictions administratives nationales en soutenant que son activité échappait au droit de la consommation. La juridiction de renvoi demande si la relation entre un cessionnaire de créance et un débiteur relève de la directive 2005/29/CE du Parlement européen. Les juges s’interrogent également sur la qualification de produit attachée aux mesures de recouvrement menées en parallèle d’une procédure d’exécution forcée. La Cour de justice décide que cette relation juridique entre dans le champ d’application matériel de la protection européenne contre les pratiques déloyales. Elle considère que les actes accomplis pour obtenir le paiement de la dette constituent des pratiques commerciales liées à la fourniture d’un produit. L’étude de cette solution conduit à analyser l’inclusion des activités de recouvrement dans le champ de la protection commerciale (I) et l’indifférence de la phase judiciaire (II).

I. L’inclusion des activités de recouvrement de créances dans le champ de la protection commerciale

A. La qualification du recouvrement comme pratique commerciale liée à un produit

La Cour de justice adopte une interprétation large des notions définies par la directive afin d’assurer une protection efficace du consommateur moyen. Elle rappelle que la notion de pratiques commerciales désigne « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale » de la part d’un professionnel. Cette définition englobe les mesures prises par un cessionnaire de créances dès lors qu’elles se rapportent à l’exécution d’un contrat de crédit. La Cour souligne que les activités de recouvrement sont « en relation directe avec la vente d’un produit » au sens de l’article 2 de la directive. Le crédit à la consommation initial constitue le produit dont le remboursement fait partie intégrante de la transaction commerciale globale entre les parties. Les juges précisent que les démarches de la société de recouvrement sont susceptibles d’influencer la décision du consommateur quant au paiement de sa dette. L’activité de l’entreprise s’analyse donc comme une pratique commerciale après-vente soumise au contrôle de loyauté imposé par le droit de l’Union européenne. L’assimilation du recouvrement à un produit commercial permet d’assurer une protection continue du débiteur malgré le transfert de la créance à un tiers professionnel.

B. L’extension de la protection aux relations nées d’une cession de créance

La cession de la créance à une société spécialisée ne prive pas le débiteur de la protection garantie contre les comportements abusifs des professionnels. La Cour estime que la qualité de professionnel doit être reconnue à la société de recouvrement même si elle n’a pas octroyé le crédit. Elle précise que la directive s’applique « même en dehors de toute relation contractuelle » entre le professionnel auteur de la pratique et le consommateur concerné. Cette solution permet d’éviter que le transfert de droits à un tiers n’entraîne une réduction des droits fondamentaux reconnus aux citoyens européens. L’arrêt confirme que le comportement économique du consommateur doit rester protégé durant toutes les phases de la vie du produit acquis initialement. Le juge européen refuse de distinguer selon l’identité de l’entité qui exerce les poursuites pour obtenir le versement des sommes dues par le débiteur. La protection demeure attachée à la nature de la dette et non à la personne du créancier qui en poursuit l’exécution effective. La permanence de la protection au-delà du transfert de la créance s’accompagne d’une exigence de loyauté qui subsiste même après l’intervention des autorités judiciaires.

II. L’indifférence du cadre procédural sur l’exigence de loyauté commerciale

A. Le maintien du contrôle de loyauté malgré l’existence d’un titre exécutoire

L’existence d’une décision de justice définitive confirmant la dette n’autorise pas le créancier à employer des méthodes commerciales déloyales pour son recouvrement. La Cour considère que l’intervention d’un huissier de justice n’exclut pas l’application des dispositions protectrices de la directive aux actions menées parallèlement. Elle note qu’engager des mesures autonomes « est susceptible d’induire le débiteur en erreur quant à la nature de la procédure à laquelle il est confronté ». Le caractère judiciaire de la créance ne transforme pas la nature commerciale des démarches entreprises par la société privée pour percevoir les fonds. Les juges soulignent que le professionnel agissant de son propre chef doit respecter les exigences de clarté et de loyauté envers le particulier défaillant. La solution retenue assure que le cadre procédural rigide de l’exécution forcée ne devienne pas un paravent pour des agissements commerciaux agressifs. Le contrôle des pratiques commerciales demeure ainsi distinct de la validité juridique de la créance constatée par un titre exécutoire de justice. Le maintien d’un contrôle sur les actes privés complète l’action des officiers ministériels pour garantir l’effet utile du droit européen de la consommation.

B. La sauvegarde de l’effet utile de la directive face aux risques de contournement

Le juge européen veille à ce que les professionnels ne puissent pas contourner la réglementation par une organisation artificielle de leurs activités de recouvrement. La Cour affirme que rejeter l’application de la directive « serait susceptible de remettre en cause l’effet utile de la protection accordée aux consommateurs ». Les entreprises pourraient être tentées de scinder les phases du contrat pour échapper aux sanctions prévues en cas de comportement commercial illicite. Cette décision impose un standard de conduite uniforme à tous les acteurs intervenant sur le marché du crédit et de sa gestion ultérieure. L’arrêt favorise ainsi une sécurité juridique accrue pour les justiciables qui bénéficient d’une surveillance continue des méthodes employées par leurs créanciers. La portée de cette jurisprudence s’étend à tous les services après-vente dont le recouvrement constitue une modalité d’exécution technique et financière. La Cour de justice réaffirme la primauté de l’objectif de protection élevée du consommateur sur les considérations liées aux structures juridiques de cession.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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