La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision remarquée le 20 mars 2014 concernant les exigences techniques d’immatriculation des véhicules automobiles.
Un État membre interdisait l’accès à son registre national pour les voitures particulières dont le dispositif de direction était situé du côté droit.
Cette autorité exigeait ainsi le déplacement préalable du volant vers le côté gauche pour autoriser la circulation des véhicules neufs ou d’occasion.
L’organe exécutif de l’Union a introduit un recours en manquement, estimant cette mesure contraire au droit dérivé et aux principes du marché intérieur.
Elle considérait que les directives d’harmonisation technique s’opposaient à de telles restrictions fondées sur la configuration structurelle des dispositifs de direction.
L’État défendeur invoquait pour sa part la protection de la sécurité routière comme motif impérieux d’intérêt général justifiant cette entrave.
La question posée consistait à déterminer si l’emplacement du poste de conduite relève du cadre harmonisé européen ou de la compétence résiduelle nationale.
Les juges ont conclu que le droit de l’Union interdit d’imposer la transformation du système de direction pour des raisons liées à la sécurité.
La solution repose sur l’interprétation de l’harmonisation technique avant d’examiner la proportionnalité des mesures de protection de la circulation routière.
I. L’intégration de l’emplacement du dispositif de direction dans l’harmonisation totale
A. Le caractère exhaustif des prescriptions techniques communautaires
La directive-cadre relative à la réception des véhicules à moteur définit un cadre harmonisé fondé sur le principe de l’harmonisation totale.
Le juge souligne que ce dispositif uniforme vise l’établissement du marché intérieur tout en garantissant un niveau élevé de sécurité routière.
L’article 4 du texte interdit aux États membres d’entraver l’immatriculation pour des motifs liés à des aspects couverts par ladite directive.
Le dispositif de direction constitue un élément fondamental de l’architecture de construction d’un véhicule, relevant nécessairement de ces prescriptions techniques.
La Cour précise que si les textes ne fixent pas l’emplacement précis du poste de conduite, ils n’en demeurent pas moins applicables.
Le législateur a ainsi « accordé à cet égard une liberté aux constructeurs de véhicules automobiles que les réglementations nationales ne sauraient supprimer ».
L’article 2 bis de la directive spécifique impose de ne pas refuser la mise en circulation pour des motifs concernant ces dispositifs.
Cette interdiction catégorique empêche les autorités nationales d’imposer des critères supplémentaires non prévus par les normes techniques de l’Union.
B. L’exclusion de la transformation structurelle au titre des adaptations techniques
L’État membre arguait que le certificat de conformité permet d’exiger des adaptations techniques pour autoriser l’immatriculation dans un sens de circulation opposé.
Toutefois, les juges limitent strictement la portée de ces ajustements autorisés aux éléments périphériques comme l’éclairage ou la vision indirecte.
Une intervention sur l’architecture de construction du véhicule représenterait une « intervention substantielle » incompatible avec les objectifs de libre circulation.
Exiger le déplacement du volant viderait de son effet utile l’harmonisation technique opérée par le législateur européen pour ces composants essentiels.
Le juge refuse de distinguer les motifs techniques des impératifs de sécurité routière pour justifier un refus d’immatriculation souverain.
La sécurité est déjà prise en compte par les exigences techniques harmonisées qui s’appliquent indépendamment du côté de circulation des États.
Cette interprétation extensive du champ d’application du droit dérivé rend nécessaire l’examen de la validité des restrictions concernant les véhicules d’occasion.
II. L’insuffisance des motifs de sécurité routière face au principe de proportionnalité
A. La caractérisation d’une entrave injustifiée aux échanges intracommunautaires
Pour les voitures déjà immatriculées, l’analyse se déplace sur le terrain du droit primaire et particulièrement de l’article 34 du traité.
La réglementation litigieuse constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative puisqu’elle entrave l’accès au marché des produits légalement fabriqués.
Bien que la sécurité routière soit une raison impérieuse d’intérêt général, l’État doit démontrer la nécessité et la proportionnalité de sa mesure.
Le juge reconnaît que l’emplacement du volant influe sur le champ de vision du conducteur et peut accroître certains risques d’accidents.
Cependant, la cohérence de la politique nationale est mise en doute par l’existence de nombreuses exceptions tolérant la circulation de tels véhicules.
Les autorités permettaient en effet l’usage temporaire par des touristes ou l’immatriculation de modèles anciens sans exiger de modifications structurelles.
Cette tolérance affaiblit l’argument selon lequel l’interdiction totale pour les résidents permanents serait indispensable à la protection de la vie.
B. La primauté des mesures alternatives moins restrictives
La Cour conclut au manquement en relevant l’existence de moyens moins attentatoires à la liberté de circulation des marchandises.
Les États conservent une marge d’appréciation pour imposer des équipements complémentaires assurant une visibilité suffisante tant à l’arrière qu’à l’avant.
Le montage de rétroviseurs supplémentaires ou l’ajustement des dispositifs d’éclairage constituent des mesures proportionnées aptes à réduire les risques identifiés.
Le juge estime que l’interdiction pure et simple va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de sécurité.
Il appartient donc aux autorités nationales de s’adapter aux évolutions techniques permettant de concilier sûreté des usagers et unité du marché.
Cette décision confirme la prééminence des libertés économiques dès lors que des solutions techniques moins radicales sont disponibles pour l’administration.
Le refus de prendre en compte les spécificités du réseau routier local souligne la rigueur du contrôle exercé sur les dérogations étatiques.