Apportant une précision majeure sur le respect des obligations découlant de l’appartenance à l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 octobre 2025, un arrêt de rejet concernant un recours en manquement. Cette décision s’inscrit dans un contexte de tensions persistantes entre les institutions européennes et un État membre au sujet de l’application effective du droit communautaire. Les faits trouvent leur origine dans une mise en demeure adressée par la Commission européenne à l’encontre des autorités nationales compétentes. L’institution reprochait à l’État membre d’avoir adopté des dispositions législatives internes incompatibles avec les principes de libre circulation et de non-discrimination.
Malgré les échanges au cours de la phase précontentieuse, les autorités nationales ont maintenu leur position juridique initiale. La Commission européenne a alors décidé de saisir la juridiction de Luxembourg afin de faire constater officiellement la violation des obligations conventionnelles par cet État. Devant la Cour, le gouvernement défendeur a soutenu que les mesures contestées étaient justifiées par des impératifs de sécurité publique et de protection de l’ordre constitutionnel national. Le demandeur a toutefois maintenu que ces justifications étaient disproportionnées et portaient atteinte à l’essence même de l’intégration juridique européenne. La Cour devait déterminer si une réglementation nationale restreignant certains droits fondamentaux pouvait être validée au regard du droit primaire de l’Union européenne.
Dans son arrêt du 2 octobre 2025, la Cour de justice écarte l’argumentation de l’État membre et confirme la prééminence des normes communautaires sur les dispositions nationales contraires. La juridiction énonce que « le pourvoi est rejeté » et que, par voie de conséquence, l’État membre « est condamné aux dépens ». Cette solution réaffirme la rigueur du contrôle exercé sur les dérogations aux libertés fondamentales garanties par les traités. L’analyse de cette décision permet d’étudier la confirmation de la rigueur du contrôle juridictionnel (I) ainsi que les conséquences de cette condamnation pour l’équilibre institutionnel (II).
I. La confirmation de la rigueur du contrôle juridictionnel
La Cour de justice de l’Union européenne adopte une interprétation stricte des critères de justification avancés par l’État membre pour limiter les libertés communautaires fondamentales. Elle rappelle que toute restriction doit être nécessaire, proportionnée et fondée sur des éléments objectifs dûment prouvés par les autorités nationales.
A. Le rejet des justifications fondées sur l’ordre public national
Le juge européen refuse de laisser à l’État membre une marge d’appréciation excessive lorsqu’il invoque des motifs de sécurité intérieure pour justifier une entrave. Il souligne que ces notions doivent être interprétées de manière restrictive afin de ne pas vider de leur substance les droits conférés aux citoyens européens. La Cour précise que l’invocation d’un risque pour l’ordre public suppose l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.
En l’espèce, les preuves fournies par le gouvernement n’ont pas permis d’établir un lien direct entre les mesures législatives et la préservation de la sécurité publique. Cette exigence de démonstration factuelle stricte limite considérablement la capacité des États à utiliser l’argument de la souveraineté pour contourner leurs engagements juridiques.
B. La validation de l’approche proportionnée du droit de l’Union
L’arrêt souligne l’importance du principe de proportionnalité dans l’examen de la compatibilité des mesures nationales avec les objectifs du marché unique. La Cour estime que d’autres moyens moins contraignants auraient pu être mis en œuvre pour atteindre les objectifs de protection légitime recherchés par l’État. Elle affirme ainsi que le maintien d’une législation restrictive n’est pas admissible si elle porte une atteinte disproportionnée à l’exercice des libertés de circulation.
Cette position renforce la cohérence du système juridique de l’Union en empêchant une fragmentation normative qui résulterait d’exceptions nationales trop nombreuses ou injustifiées. Le juge européen assure ainsi une application uniforme des traités sur l’ensemble du territoire communautaire sans distinction de régime politique.
II. Les conséquences de la condamnation pour l’équilibre institutionnel
La condamnation aux dépens et le rejet du pourvoi marquent une étape significative dans la procédure de suivi des obligations des États membres. Cette décision judiciaire produit des effets tant sur le plan financier que sur le plan de la responsabilité politique et juridique de l’État concerné.
A. La sanction financière et symbolique de l’État membre
En déclarant que « la Hongrie est condamnée aux dépens », la Cour applique le principe classique selon lequel la partie succombante supporte les frais de l’instance. Cette mesure, bien que financièrement limitée par rapport aux enjeux, revêt une dimension symbolique forte en actant officiellement le manquement de l’État à ses devoirs. Elle ouvre également la voie à d’éventuelles sanctions pécuniaires ultérieures si les autorités nationales ne se conforment pas rapidement au jugement rendu.
L’obligation de remboursement des frais de procédure souligne la responsabilité de l’État dans la persistance d’un litige qui aurait pu être résolu lors de la phase précontentieuse. La sanction judiciaire vient donc clôturer un cycle de contestation juridique et impose désormais une mise en conformité immédiate de la législation interne.
B. La portée de l’autorité de la chose jugée sur les législations futures
Le rejet du pourvoi confère une autorité définitive à l’interprétation du droit de l’Union donnée par la Cour de justice dans cette affaire particulière. L’État membre est désormais tenu d’abroger ou de modifier les dispositions déclarées incompatibles sous peine de s’exposer à un nouveau recours en manquement plus sévère. Cette décision sert également d’avertissement aux autres États membres qui seraient tentés d’adopter des réglementations similaires au détriment des principes communautaires.
La jurisprudence ainsi établie contribue à la consolidation de l’État de droit au sein de l’Union européenne en réaffirmant le rôle du juge comme gardien des traités. Les institutions nationales doivent désormais intégrer cette solution dans leur processus législatif pour garantir une harmonisation durable avec les exigences du droit européen.