La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 4 septembre 2014, se prononce sur le manquement d’un État aux obligations environnementales. Ce litige concerne l’application d’une directive fondamentale relative à la protection des ressources aquatiques contre les pollutions par les nitrates d’origine agricole. Suite à son adhésion, cet État a désigné seulement une infime partie de son territoire national comme zone vulnérable aux écoulements polluants. L’institution requérante a alors introduit un recours après l’échec de la phase précontentieuse initiée par une mise en demeure au cours de l’année 2010. Le requérant conteste la suffisance de la définition des eaux sensibles ainsi que la conformité des programmes d’action nationaux avec le droit communautaire. La juridiction doit déterminer si une pollution significative, mais non exclusive, impose la désignation des zones vulnérables et l’adoption de mesures contraignantes. Les juges déclarent que l’État a manqué à ses obligations en définissant de manière insuffisante les zones polluées par les composés azotés.
I. L’objectivation des critères de désignation des zones vulnérables
A. La consécration d’une causalité agricole simplement significative
La Cour précise d’abord l’étendue du pouvoir d’appréciation des États membres lors de l’identification des eaux atteintes par une pollution azotée. Elle souligne que ce pouvoir doit impérativement respecter l’objectif de réduction des nitrates provenant de l’agriculture pour protéger durablement l’environnement. Selon les juges, « la directive 91/676 n’exige pas que la cause de la pollution des eaux soit exclusivement agricole » pour fonder une obligation d’intervention. Une contribution de l’ordre de quarante-huit pour cent à l’eutrophisation d’une mer est jugée « manifestement significative » par la juridiction européenne. Cette interprétation rejette l’argument de l’État qui tentait de minimiser sa responsabilité en invoquant l’influence prédominante des eaux urbaines résiduaires.
B. L’obligation de prise en compte globale des masses d’eaux atteintes
L’insuffisance de la désignation initiale entraîne mécaniquement une violation des obligations liées à la protection des zones géographiques vulnérables. La juridiction constate qu’une identification incomplète des eaux polluées « aboutit nécessairement à une désignation incomplète des zones vulnérables » soumises aux programmes d’action. L’État est donc tenu d’intégrer dans son recensement les lacs naturels et les masses d’eau douces subissant une eutrophisation réelle. La persistance de pollutions anciennes ou l’existence de causes naturelles de vieillissement ne sauraient exonérer le gouvernement de ses devoirs de vigilance. Le respect des critères scientifiques relatifs à la concentration en nitrates dans les eaux douces superficielles constitue une condition sine qua non de conformité.
II. La rigueur impérative du contenu matériel des programmes d’action
A. L’extension nécessaire des mesures de restriction aux divers fertilisants
Le second grief retenu par la Cour porte sur le contenu matériel des programmes d’action devant être mis en œuvre par les autorités nationales. Les magistrats rappellent que les mesures limitant l’épandage doivent s’appliquer à toute substance contenant des composés azotés, incluant les effluents d’élevage solides. L’arrêt souligne fermement que « l’annexe ii, a, de la directive 91/676 vise l’ensemble des fertilisants » sans distinction de leur état physique ou chimique. L’interdiction d’épandage sur les sols en forte pente ne peut pas être restreinte aux seules terres dépourvues de couverture végétale protectrice. En revanche, la Cour rejette la branche relative au calcul des besoins en azote faute d’éléments probants apportés par l’institution requérante.
B. L’exigence de sécurité juridique dans la fixation des périodes d’interdiction
La fixation des périodes d’interdiction d’épandage doit répondre à une exigence de clarté absolue pour garantir l’efficacité réelle du droit de l’environnement. Les juges affirment que l’interdiction durant certaines phases de l’année est une « disposition essentielle de cette directive » ne souffrant aucune dérogation injustifiée. Le recours à des notions floues comme les conditions climatiques défavorables ne garantit pas une mise en œuvre dotée d’une force contraignante incontestable. La sécurité juridique impose que les périodes d’interdiction soient définies avec une précision technique suffisante pour guider l’action des exploitants agricoles. Par ce raisonnement, la Cour assure une protection uniforme et prévisible des ressources hydriques contre les risques de lessivage pendant l’hiver.