Cour de justice de l’Union européenne, le 20 novembre 2014, n°C-40/14

Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé l’étendue du régime communautaire des franchises douanières applicable à l’importation d’animaux de laboratoire. En l’espèce, un opérateur économique avait importé des animaux spécialement préparés pour un usage en laboratoire, ainsi que les cages nécessaires à leur transport. Ces animaux étaient destinés à un établissement agréé dont l’activité principale était l’enseignement ou la recherche scientifique. L’administration douanière a vraisemblablement refusé d’accorder une franchise de droits à l’importation, au motif que l’importateur n’était pas lui-même l’établissement destinataire final. La juridiction nationale saisie du litige a alors adressé à la Cour de justice deux questions préjudicielles. La première visait à déterminer si le bénéfice de la franchise douanière, prévue par l’article 60 du règlement (CEE) n° 918/83, pouvait être accordé à un importateur qui n’est pas un établissement de recherche, mais qui agit pour le compte d’un tel établissement. La seconde question portait sur la classification tarifaire des cages de transport, interrogeant si celles-ci devaient être considérées comme des emballages à classer avec les animaux qu’elles contenaient, conformément à la règle générale 5 b) de la nomenclature combinée. La Cour a répondu que l’importateur peut bénéficier de la franchise de droits dès lors que les marchandises sont effectivement destinées à un établissement agréé. Elle a en revanche jugé que les cages de transport ne constituent pas des emballages devant être classés avec les animaux.

La Cour de justice consacre ainsi une interprétation téléologique de la franchise douanière favorisant la recherche scientifique (I), tout en maintenant une application stricte des règles de classification pour les contenants de transport (II).

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I. L’interprétation téléologique de la franchise douanière au service de la recherche

La solution retenue par la Cour étend le bénéfice de la franchise à l’importateur non-destinataire (A), consacrant la prééminence de la destination finale des biens sur la qualité de l’opérateur (B).

A. L’extension du bénéfice de la franchise à l’opérateur intermédiaire

La Cour de justice répond de manière positive à la question de l’éligibilité de l’importateur à la franchise de droits de douane. Elle énonce que « si les animaux spécialement préparés pour être utilisés en laboratoire qu’un importateur fait entrer sur le territoire de l’Union européenne sont destinés à un établissement public ou d’utilité publique, ou privé agréé, ayant pour activité principale l’enseignement ou la recherche scientifique, cet importateur, bien qu’il ne soit pas lui-même un tel établissement, peut bénéficier de la franchise de droits à l’importation ». Cette approche s’écarte d’une lecture littérale qui aurait pu restreindre le bénéfice de l’exonération au seul établissement de recherche. En se focalisant sur la destination effective des marchandises, la Cour privilégie l’objectif de la réglementation plutôt que la qualité intrinsèque de l’importateur.

Le raisonnement des juges repose sur la finalité même du régime des franchises. Ce dernier vise à faciliter l’accès aux matériels scientifiques et éducatifs au sein de l’Union afin d’encourager le progrès de la connaissance. Une interprétation qui imposerait à l’établissement de recherche de procéder lui-même à l’importation ajouterait une contrainte administrative et logistique susceptible d’entraver son activité principale. La Cour reconnaît ainsi la réalité des pratiques commerciales, où des opérateurs spécialisés interviennent comme intermédiaires pour l’approvisionnement de ces institutions.

B. La prééminence de la destination des biens sur la qualité de l’opérateur

En faisant dépendre l’octroi de la franchise de la destination des biens, la Cour affirme un principe directeur en matière de franchises douanières fondées sur l’utilisation finale. La solution n’est pas tant centrée sur l’identité de celui qui accomplit les formalités douanières que sur la garantie que les marchandises serviront bien à la fin pour laquelle l’exonération a été prévue. Cette interprétation pragmatique assure la pleine efficacité de la législation de l’Union. Elle garantit une application uniforme du droit douanier sur l’ensemble du territoire, en évitant que des approches restrictives de certaines administrations nationales ne créent des distorsions.

La portée de cette décision est significative pour tous les opérateurs économiques qui agissent comme fournisseurs pour des entités bénéficiant d’un régime de faveur. Elle clarifie le fait que le bénéfice d’une franchise n’est pas un droit attaché à la personne, mais bien une modalité liée à l’usage d’un produit. Il incombe toutefois à l’importateur de fournir aux autorités douanières la preuve de la destination finale des biens, ce qui suppose une traçabilité et une documentation rigoureuses. La solution offre ainsi une sécurité juridique appréciable aux importateurs spécialisés, tout en préservant les intérêts financiers de l’Union par le contrôle de la destination effective.

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II. L’application stricte des règles de classification pour les contenants de transport

Après avoir précisé le champ d’application de la franchise, la Cour se prononce sur le traitement tarifaire des cages, en refusant de les qualifier d’emballages (A), ce qui impose une classification douanière autonome pour ces contenants (B).

A. L’exclusion des cages de la notion d’emballage au sens de la nomenclature

La seconde partie de la décision porte sur une question technique de classification tarifaire. La Cour juge que « la règle générale 5, sous b), de la nomenclature combinée […] doit être interprétée en ce sens que des cages servant au transport d’animaux vivants destinés à la recherche en laboratoire ne relèvent pas de la catégorie des emballages qui doivent être classés avec les marchandises qu’ils contiennent ». Par cette clarification, elle opère une distinction fondamentale entre les emballages qui sont indissociables de la marchandise au stade de la vente au détail et les contenants spécifiquement conçus pour le transport.

Le raisonnement des juges est fondé sur une lecture orthodoxe des notes explicatives de la nomenclature combinée. La règle générale 5 b) vise les contenants qui sont présentés avec les marchandises qu’ils renferment et qui ne sont pas manifestement susceptibles d’un usage répété. Or, les cages utilisées pour le transport d’animaux de laboratoire, souvent conçues pour garantir la sécurité et le bien-être des animaux, possèdent une valeur et une fonction propres qui excèdent le simple conditionnement. Elles ne sont pas destinées à être cédées avec les animaux mais servent d’équipement logistique. Les qualifier d’emballages reviendrait à ignorer leur nature d’article distinct.

B. La nécessaire classification autonome des contenants de transport

La conséquence directe de cette exclusion est que les cages doivent faire l’objet d’une déclaration en douane distincte et être classées dans leur propre position tarifaire. Cette solution est conforme à la logique du tarif douanier commun, qui tend à appréhender chaque produit selon sa nature intrinsèque. Refuser le classement groupé empêche que des contenants de valeur, potentiellement réutilisables, échappent aux droits de douane qui leur sont normalement applicables, en étant indûment assimilés à une marchandise bénéficiant d’une franchise. La décision préserve ainsi l’intégrité de la structure tarifaire.

En termes de portée, cet arrêt constitue un rappel important pour les importateurs de marchandises nécessitant des contenants spécifiques ou de haute technicité. Il réaffirme que la notion d’emballage doit être interprétée de manière restrictive. Les opérateurs doivent donc faire preuve de vigilance lors de leurs déclarations, en distinguant soigneusement la marchandise principale de ses équipements de transport, sous peine de se voir infliger des redressements de droits. La position de la Cour, bien que rigoureuse, a le mérite de la clarté et contribue à une application prévisible et cohérente du droit douanier au sein de l’Union européenne.

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Hassan KOHEN
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