Cour de justice de l’Union européenne, le 20 octobre 2011, n°C-396/09

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 octobre 2011, un arrêt fondamental relatif à la compétence internationale en matière d’insolvabilité. Cette décision précise également l’articulation entre le droit de l’Union et les règles de procédure nationales contraignantes. Une société à responsabilité limitée, initialement établie en Italie, a transféré son siège statutaire au Royaume-Uni avant d’être radiée du registre italien. Une entité créancière a saisi le Tribunale di Bari d’une demande d’ouverture de procédure de faillite à l’encontre de la débitrice. Cette dernière a contesté la compétence du juge italien, invoquant la localisation de son nouveau siège social à Londres. La Cour de cassation italienne a pourtant jugé les juridictions nationales compétentes en se fondant sur la présence d’actifs immobiliers locaux. Saisi du fond, le Tribunale di Bari a interrogé la Cour de justice sur la conformité de cette analyse au règlement européen. Le juge de renvoi s’interrogeait aussi sur son obligation de suivre l’interprétation d’une juridiction supérieure manifestement contraire au droit de l’Union. La Cour affirme la primauté du mécanisme préjudiciel face aux règles de procédure internes avant de préciser les critères matériels de compétence.

I. La réaffirmation de la primauté de l’ordre juridique européen

A. La liberté de saisine préjudicielle reconnue au juge du fond

Le juge de l’Union écarte toute règle nationale empêchant une juridiction inférieure de l’interroger sur l’interprétation des normes européennes. « L’existence d’une règle de procédure nationale (…) ne saurait remettre en cause la faculté qu’ont les juridictions nationales (…) de saisir la Cour ». Ce droit demeure indépendant des instructions contraignantes issues de la hiérarchie judiciaire interne pour garantir l’application uniforme du droit. Le juge national peut ainsi s’affranchir des appréciations d’une juridiction supérieure si elles lui paraissent incompatibles avec la jurisprudence européenne. Cette prérogative essentielle assure que chaque magistrat puisse vérifier la conformité des normes internes aux traités fondamentaux de l’Union.

B. L’obligation d’écarter la norme nationale contraire au droit de l’Union

La Cour rappelle que ses arrêts rendus à titre préjudiciel lient les instances nationales pour la solution effective du litige au principal. Il incombe au juge de « laisser au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire » sans attendre d’intervention législative. Cette obligation assure le plein effet des dispositions européennes, y compris contre une règle de procédure revêtue de l’autorité de chose jugée. La primauté de l’ordre juridique commun l’emporte donc sur l’organisation judiciaire nationale afin de protéger les droits fondamentaux des justiciables. Cette autorité du droit européen s’étend à la définition même des critères de compétence internationale pour les entreprises insolvables.

II. L’encadrement des critères de compétence en matière d’insolvabilité

A. Une interprétation autonome du centre des intérêts principaux

La notion de centre des intérêts principaux constitue un concept propre au règlement européen et ne dépend pas des qualifications juridiques nationales. La Cour souligne que ce lieu « devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers ». Cette exigence de prévisibilité protège les créanciers en rattachant la procédure au siège effectif de la direction de la société débitrice. L’analyse repose sur des éléments matériels objectifs ayant fait l’objet d’une publicité suffisante pour être connus des acteurs économiques tiers. Cette définition uniforme permet d’éviter les conflits de juridictions au sein du marché intérieur par une approche strictement factuelle.

B. Le caractère exceptionnel du renversement de la présomption du siège

Le siège statutaire bénéficie d’une présomption de compétence qui ne cède que devant la preuve d’une administration centrale située dans un autre État. La simple présence de biens immobiliers ou de comptes bancaires ne suffit pas à caractériser un établissement au sens du règlement. Le renversement suppose une « appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents » démontrant que le centre effectif de direction se situe ailleurs. La Cour précise enfin que le transfert du siège avant l’ouverture de la procédure déplace la présomption vers la nouvelle localisation géographique. Ces précisions techniques renforcent la sécurité juridique des échanges transfrontaliers en limitant les risques de forum shopping entre États membres.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture