Cour de justice de l’Union européenne, le 20 septembre 2017, n°C-215/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 septembre 2017, une décision fondamentale concernant la fiscalité des énergies renouvelables. Le litige porte sur la validité d’une redevance frappant les aérogénérateurs destinés à la production d’électricité dans une région espagnole.

Des exploitants de parcs éoliens ont acquitté cette taxe calculée selon le nombre d’unités installées avant d’en contester la constitutionnalité et la compatibilité européenne. Après le rejet de leurs demandes de restitution, ils ont saisi la Cour supérieure de justice de Castille-La Manche. Cette juridiction a sursis à statuer pour interroger les juges de l’Union sur l’interprétation de trois directives sectorielles.

La question posée porte sur la conformité au droit de l’Union d’un prélèvement national s’ajoutant aux impôts généraux et frappant spécifiquement les installations éoliennes. La Cour juge que les directives relatives aux énergies renouvelables et à la taxation de l’énergie ne s’opposent pas à une telle réglementation fiscale. Cette solution repose sur la préservation de la compétence fiscale des États membres (I) et sur l’exclusion du prélèvement du cadre harmonisé de l’énergie (II).

I. La préservation de la compétence fiscale nationale en matière d’énergies renouvelables

La Cour souligne d’abord que la directive 2009/28 n’interdit pas aux États membres d’imposer une redevance frappant les aérogénérateurs destinés à la production d’énergie.

A. Le caractère facultatif des régimes de promotion des énergies vertes

Le juge européen relève que les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour atteindre les objectifs contraignants de part d’énergie renouvelable. L’article 3 de la directive énonce que les autorités nationales « peuvent » appliquer des régimes d’aide, notamment sous la forme d’exonérations fiscales.

L’utilisation du terme facultatif implique que les États « ne sont nullement obligés » d’adopter des incitations fiscales pour promouvoir les sources d’énergie vertes. Dès lors, la possibilité d’accorder des aides n’empêche pas de « taxer les entreprises développant de telles sources d’énergie » au niveau national. L’autonomie fiscale demeure donc la règle tant que les objectifs globaux de production ne sont pas manifestement compromis par le prélèvement. Cette liberté reconnue aux États s’accompagne d’une interprétation stricte des limites posées par le droit dérivé concernant les frais de procédure.

B. L’encadrement limité des prélèvements liés aux procédures administratives

La juridiction nationale s’interrogeait sur la compatibilité de la taxe avec les dispositions encadrant les frais administratifs prévus par la directive sectorielle. La Cour précise que l’article 13 vise uniquement à assurer que ces frais soient « transparents et calculés en fonction des coûts » réels.

Cette règle encadre exclusivement la répercussion des coûts afférents aux prestations de services fournies lors des procédures d’autorisation ou de certification. La directive n’a « nullement pour objet d’interdire aux États membres l’instauration de taxes » présentant une nature purement fiscale. La redevance éolienne échappe ainsi aux restrictions liées aux coûts administratifs puisque sa finalité ne concerne pas le financement d’un service public. Le juge écarte donc tout obstacle tiré de la promotion des énergies renouvelables avant d’examiner le champ de la fiscalité harmonisée.

II. L’exclusion de la taxe éolienne du champ de la fiscalité énergétique harmonisée

La solution de la Cour repose ensuite sur le constat que le prélèvement litigieux ne constitue pas une taxe sur la consommation d’électricité.

A. L’absence de lien entre le fait générateur et la consommation d’électricité

La directive 2003/96 limite son champ d’application à la taxation effective des produits énergétiques et de l’électricité mis à la consommation finale. Or, la redevance en cause consiste en « un montant forfaitaire trimestriel qui varie selon la taille du parc éolien » et non selon l’énergie produite.

Le juge constate qu’il n’existe aucun lien entre le fait générateur de la taxe et la « production effective d’électricité par les aérogénérateurs ». La redevance est exigible du seul fait de la détention d’une installation, indépendamment de son exploitation réelle ou de la vente d’énergie. Comme elle ne frappe pas directement le produit énergétique, cette taxe « ne relève pas du champ d’application » de la directive sur la taxation. Cette exclusion emporte des conséquences déterminantes sur l’application du régime général des droits d’accise au sein de l’Union.

B. L’inapplicabilité consécutive du régime général des droits d’accise

La directive 2008/118 encadre les impositions indirectes frappant la consommation des produits soumis à accise, incluant l’électricité relevant de la fiscalité harmonisée. La Cour rappelle que seules les taxes indirectes touchant la consommation des « produits soumis à accise » doivent poursuivre une finalité spécifique environnementale.

Puisque la redevance éolienne ne taxe pas l’électricité au sens de la législation européenne, elle échappe aux contraintes de cette directive générale. La question de savoir si ce prélèvement poursuit un objectif de protection de la nature « relève du seul droit national » interne. Le juge européen conclut ainsi à la compatibilité de la mesure, laissant aux juridictions nationales le soin d’apprécier la validité constitutionnelle. Cette décision confirme la liberté des États de créer des taxes sur les infrastructures de production sans méconnaître le droit de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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