La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, en septembre deux mille dix-sept, une décision précisant l’interprétation de la directive relative aux clauses abusives. Un contrat de prêt libellé en devises étrangères avait été souscrit par un consommateur auprès d’un établissement de crédit pour financer l’achat d’un véhicule. Les remboursements s’effectuaient en monnaie nationale, soumettant ainsi l’emprunteur à un risque de change substantiel résultant de la dépréciation possible de sa propre devise.
La Cour d’appel de Budapest a été saisie d’un recours tendant à l’annulation des clauses contractuelles faisant peser l’intégralité du risque monétaire sur le seul emprunteur. Le professionnel soutenait que les modifications législatives nationales postérieures à la conclusion du contrat régularisaient les stipulations litigieuses et faisaient obstacle à tout contrôle judiciaire. Les juges de renvoi demandaient si l’obligation de clarté imposait d’informer l’emprunteur sur les variations monétaires prévisibles et sur l’étendue réelle de ses engagements financiers futurs.
La Cour affirme que la transparence contractuelle doit être évaluée au jour de la signature en tenant compte de la capacité du consommateur à comprendre les risques. L’analyse de la transparence des clauses monétaires précédera l’étude de l’office du juge national dans la mise en œuvre de la protection des consommateurs contre les abus.
I. La protection renforcée du consommateur par l’exigence de transparence
A. L’appréciation de la clarté au moment de la signature contractuelle
L’article 4 de la directive impose que le caractère compréhensible des clauses soit évalué en se référant uniquement au moment de la conclusion du contrat. Cette règle s’applique même si le législateur national a ultérieurement modifié certaines dispositions pour suppléer des clauses contractuelles entachées de nullité par le droit national. Le juge doit prendre en compte « toutes les circonstances qui entouraient » la signature sans que des lois postérieures ne puissent occulter les éventuels manquements initiaux. La modification législative d’une clause ne lui ôte pas son caractère de « clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle » selon l’interprétation européenne.
B. L’étendue de l’obligation d’information relative aux risques économiques
Les établissements financiers doivent fournir des informations suffisantes pour permettre aux emprunteurs de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. La clause relative au risque de change doit être comprise par le consommateur « à la fois sur les plans formel et grammatical » lors de l’engagement. L’exigence de transparence oblige également le professionnel à exposer la portée concrète des engagements financiers découlant de la possible dépréciation de la monnaie nationale. L’emprunteur moyen doit être en mesure d’évaluer les « conséquences économiques, potentiellement significatives » pesant sur ses obligations futures au titre du prêt consenti. Cette transparence économique s’accompagne d’un renforcement des pouvoirs du juge national chargé de garantir l’application effective des droits reconnus aux consommateurs européens.
II. L’encadrement de l’office du juge et l’application du droit européen
A. Le contrôle d’office du caractère abusif des stipulations litigieuses
L’article 6 de la directive impose au juge national de relever d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause contenue dans un contrat de consommation. Cette mission judiciaire s’exerce dès lors que le magistrat dispose des éléments de droit et de fait nécessaires pour statuer sur la validité contractuelle. Le juge supplée ainsi la carence du consommateur requérant pour garantir l’efficacité des règles protectrices issues du droit de l’Union européenne contre les professionnels. Ce pouvoir constitue un instrument essentiel pour assurer l’équilibre contractuel et sanctionner les déséquilibres significatifs créés au détriment de la partie jugée plus faible.
B. L’exclusion limitée du contrôle face aux dispositions législatives impératives
Le champ d’application de la directive ne couvre pas les clauses reflétant des dispositions de droit national impératives insérées pour corriger une nullité contractuelle. Néanmoins, la Cour précise qu’une clause relative au risque de change « n’est pas exclue » de ce champ par une simple intervention législative nationale corrective. La protection européenne demeure applicable tant que la clause litigieuse ne se borne pas à reproduire strictement une norme imposée par le droit positif. Cette solution préserve le droit des consommateurs à contester des engagements dont la portée économique n’avait pas été correctement expliquée lors de la signature.