La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision le vingt septembre deux mille dix-huit concernant le régime fiscal de l’impôt sur le bénéfice d’exploitation. Une société mère résidant en Allemagne et sa filiale nationale formaient une unité fiscale intégrée pour le calcul de cet impôt commercial spécifique. Cette filiale détenait l’intégralité du capital d’une entité établie en Australie, laquelle lui a versé des dividendes substantiels au cours de l’exercice fiscal deux mille neuf.
L’administration fiscale a procédé à la réintégration de quatre-vingt-quinze pour cent de ces dividendes dans le résultat d’exploitation de la société mère après un contrôle. Le tribunal des finances de Münster, saisi du litige, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur la conformité de la législation nationale. Les magistrats européens doivent déterminer si les principes de libre circulation des capitaux s’opposent à des conditions de déduction plus strictes pour les dividendes étrangers.
La juridiction de renvoi souligne que la déduction des bénéfices issus de participations nationales est soumise à des exigences nettement moins rigoureuses que pour les entités tierces. La Cour de justice affirme que les articles soixante-trois à soixante-cinq du traité font obstacle à une telle différence de traitement injustifiée entre les participations. L’arrêt consacre ainsi la protection des investissements directs réalisés dans des États tiers contre des mesures fiscales discriminatoires ne reposant sur aucune raison impérieuse d’intérêt général.
**I. L’identification d’une restriction injustifiée à la libre circulation des capitaux**
**A. L’applicabilité des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux**
L’examen de la nature de la réglementation nationale constitue l’étape préalable indispensable pour déterminer la liberté de circulation applicable aux mouvements de capitaux en cause. La Cour rappelle que le traitement fiscal des dividendes relève de la liberté d’établissement lorsqu’une législation s’applique exclusivement aux participations permettant d’exercer une influence certaine. En revanche, les dispositions applicables sans intention d’influer sur la gestion ou le contrôle de l’entreprise doivent être examinées au regard de la libre circulation des capitaux.
Le dispositif litigieux subordonne la déduction fiscale à une participation minimale de quinze pour cent du capital social détenue de façon ininterrompue depuis la période de référence. Les juges soulignent qu’un tel seuil de détention « n’implique pas nécessairement que la société qui la détient exerce une influence certaine sur les décisions de la société ». Dès lors, une société résidente peut se prévaloir de l’article soixante-trois du traité indépendamment de l’ampleur de sa participation dans l’entité distributrice établie en Australie.
**B. Le constat d’une différence de traitement constitutive d’une entrave**
La réglementation nationale instaure une distinction manifeste entre les dividendes selon qu’ils proviennent d’une société résidente ou d’une entité ayant son siège hors d’Allemagne. Pour les dividendes nationaux, la réduction de l’impôt suppose uniquement la détention d’au moins quinze pour cent du capital au début de la période d’imposition annuelle. Les distributions effectuées par une société établie dans un État tiers sont soumises à des exigences supplémentaires relatives à la nature active des revenus perçus.
Cette dualité de régime fiscal est susceptible de dissuader les sociétés mères résidentes d’investir leurs capitaux dans des filiales établies dans des États tiers non membres. La Cour de justice juge que « les actions des sociétés établies dans des États tiers sont moins attrayantes pour les investisseurs résidents que celles de sociétés résidentes ». Une telle législation constitue donc une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par le traité à moins qu’elle ne soit justifiée par des motifs légitimes.
**II. L’éviction des dérogations et justifications fondées sur l’intérêt général**
**A. L’inapplicabilité de la clause de gel et la comparabilité des situations**
L’administration fiscale invoque l’article soixante-quatre du traité pour maintenir les restrictions existantes au trente et un décembre mille neuf cent quatre-vingt-treize envers les pays tiers. La Cour précise toutefois que toute modification législative postérieure reposant sur une logique différente ou réduisant la portée de la déduction exclut l’application de cette dérogation. Les réformes nationales intervenues en deux mille et deux mille sept ont profondément altéré le cadre juridique antérieur, rendant la clause de gel inapplicable en l’espèce.
La différence de traitement ne peut être validée que si elle concerne des situations non comparables objectivement au regard de l’objectif de prévention de la double imposition. La situation d’une société percevant des dividendes de source nationale est comparable à celle d’une société bénéficiaire de revenus provenant d’entités situées dans un État tiers. Les critères de distinction pertinents établis par la loi fiscale ne permettent pas de conclure à une différence de situation objective susceptible de valider la mesure.
**B. L’insuffisance des motifs tirés de la lutte contre la fraude fiscale**
Le gouvernement soutient que les restrictions visent à lutter contre les montages purement artificiels et l’utilisation de sociétés écran dépourvues de toute réalité économique véritable. La Cour rappelle qu’une « présomption générale de fraude et d’abus ne saurait justifier une mesure portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité ». La seule localisation de la société distributrice dans un État tiers ne suffit pas à fonder un soupçon légitime de montage fiscal abusif ou frauduleux.
La législation allemande instaure une présomption irréfragable d’abus en exigeant des conditions strictes sur la nature des revenus sans offrir au contribuable la possibilité de preuve contraire. Ce dispositif outrepasse ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de lutte contre l’évasion fiscale et ne saurait donc être considéré comme proportionné. Les articles soixante-trois à soixante-cinq du traité s’opposent donc au maintien de ces conditions restrictives imposées aux dividendes en provenance des pays tiers partenaires.