Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2011, n°C-250/10

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 décembre 2011, une décision fondamentale précisant le régime de taxation des produits énergétiques utilisés dans l’aviation. Ce litige concerne l’interprétation de la directive 2003/96 relative à l’exonération fiscale du carburant pour la navigation aérienne autre que l’aviation de tourisme privée. Une société de gestion d’aéronefs, constituée par plusieurs entités commerciales pour acquérir et exploiter un appareil, assurait l’affrètement de l’avion avec le carburant nécessaire. Ses clients utilisaient principalement ce service pour la réalisation de leurs propres objectifs sociaux, sans que la société ne dispose d’une licence de transport aérien. L’administration douanière a rejeté la demande de remboursement de la taxe sur l’énergie au motif que l’entreprise n’était pas un transporteur aérien dûment autorisé. Le Finanzgericht Düsseldorf, saisi de l’affaire, a interrogé la juridiction européenne afin de déterminer si le fréteur pouvait bénéficier de l’avantage fiscal prévu. La question portait sur l’application de l’exonération quand l’aéronef est utilisé à des fins commerciales mais ne sert pas directement à une prestation de transport. La Cour juge que l’exonération « ne peut bénéficier à une entreprise […] lorsqu’elle loue ou frète un aéronef […] à des entreprises dont les opérations ne servent pas directement ». Cette solution repose sur une distinction stricte entre l’utilisation commerciale de l’appareil et la fourniture effective d’un service aérien à titre onéreux.

**I. La délimitation stricte des bénéficiaires de l’exonération fiscale**

La juridiction européenne fonde son raisonnement sur une analyse rigoureuse des conditions de mise en œuvre de l’avantage fiscal prévu par le droit de l’Union. Elle précise que l’octroi de l’exonération dépend exclusivement de la manière dont l’aéronef est concrètement employé par celui qui effectue les vols.

**A. La primauté du critère de la prestation de service onéreuse**

L’article 14 de la directive impose aux États membres de ne pas taxer les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant pour la navigation. La Cour rappelle que « l’exonération en cause est subordonnée au fait que les produits énergétiques soient utilisés comme carburant pour la navigation aérienne ». Cette notion doit s’interpréter comme se référant à une forme précise d’utilisation de l’aéronef, excluant toute activité ne revêtant pas un caractère professionnel direct. Le juge communautaire souligne que l’exonération s’applique uniquement lorsque « l’aéronef sert directement à la prestation de services aériens à titre onéreux » au profit de tiers. La simple existence d’un contrat de location ou d’affrètement facturé ne suffit pas à caractériser une activité commerciale ouvrant droit au remboursement de la taxe. L’activité de l’entreprise doit s’analyser au regard de la finalité du vol et non de la seule nature juridique de la transaction entre parties.

**B. L’exclusion de la navigation pour les besoins propres de l’entreprise**

L’interprétation retenue par la Cour écarte du bénéfice de l’exonération les vols effectués par des entreprises pour l’exercice de leurs propres activités économiques internes. Les opérations de navigation qui ne servent pas à la prestation d’un service aérien facturé à un client final ne sont pas considérées comme commerciales. Le juge note que les utilisations par des associés pour leurs objectifs sociaux ne peuvent être assimilées à « l’utilisation d’un aéronef à des fins commerciales ». Cette exclusion vise à éviter une extension indue des avantages fiscaux à des activités de support logistique qui ne constituent pas du transport aérien. Le droit à l’exonération est donc réservé aux opérateurs dont l’objet même est la fourniture de services de navigation aérienne contre rémunération effective. Cette précision assure une application uniforme du droit fiscal européen tout en limitant les risques de distorsion de concurrence entre les différents acteurs économiques.

**II. Une interprétation finaliste garantissant l’effet utile du droit de l’Union**

La solution dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne témoigne d’une volonté de préserver la cohérence du marché intérieur par une lecture autonome des textes. Elle refuse d’instaurer des exonérations de caractère général qui pourraient fragiliser les objectifs budgétaires et environnementaux poursuivis par la directive sur l’énergie.

**A. Le caractère autonome et dérogatoire des exonérations énergétiques**

Le juge européen affirme avec force que les dispositions concernant les exonérations fiscales doivent recevoir une « interprétation autonome, fondée sur leur libellé et sur les finalités ». Cette approche empêche les États membres d’adopter des interprétations divergentes qui porteraient atteinte à la sécurité juridique des opérateurs économiques au sein de l’Union. Toute dérogation au principe général de taxation des produits énergétiques doit être interprétée de manière stricte afin de ne pas vider la règle de sa substance. La Cour rappelle que la directive ne vise pas à multiplier les niches fiscales mais à harmoniser les structures de taxation pour le bon fonctionnement du marché. L’exigence d’une utilisation directe pour des services onéreux constitue ainsi un rempart nécessaire contre une interprétation extensive du bénéfice de l’avantage fiscal. La reconnaissance d’une exonération automatique pour tout affrètement commercial aurait méconnu l’objectif de taxation effective des consommations d’énergie ne relevant pas du transport public.

**B. L’incidence de la solution sur les structures d’affrètement et de location**

La décision rendue le 21 décembre 2011 clarifie les responsabilités fiscales des propriétaires d’aéronefs qui mettent leurs appareils à la disposition de tiers avec le carburant. Le fréteur doit s’assurer de l’usage final de l’appareil pour prétendre au remboursement des taxes qu’il a supportées lors de l’achat du kérosène. Si l’affréteur utilise l’avion pour ses propres besoins professionnels, le droit à l’exonération disparaît car le service aérien n’est pas fourni à titre onéreux. La Cour précise que l’exonération « ne peut bénéficier à une entreprise […] lorsqu’elle loue un aéronef […] à des entreprises dont les opérations ne servent pas directement ». Cette règle impose une vigilance particulière aux structures de gestion partagée d’aéronefs qui ne réalisent pas de prestations de transport pour le public. Elle confirme que le régime fiscal suit la réalité économique de l’utilisation de la ressource énergétique plutôt que la forme contractuelle de sa mise à disposition. Cette jurisprudence stabilise ainsi les conditions de taxation du carburant aérien en liant indéfectiblement l’avantage fiscal à l’exercice d’une profession de transporteur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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