Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2011, n°C-499/10

La Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2011, précise l’étendue de la responsabilité solidaire des tiers pour le paiement de la taxe. Cette décision porte sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388 relative à l’harmonisation des législations des États membres.

Une société assurait le stockage de produits pétroliers dans un entrepôt fiscal pour le compte d’un client ayant fait l’objet d’une procédure de faillite. L’administration fiscale a constaté que des livraisons à titre onéreux avaient été effectuées sans que la taxe due ne soit acquittée par le propriétaire des biens. En application de la législation nationale, un commandement de payer a été émis à l’encontre du gérant de l’entrepôt, tenu solidairement au paiement de la dette fiscale.

Saisie d’une opposition à ce commandement, la juridiction de première instance de Bruges a sursis à statuer par une décision du 13 octobre 2010. Elle interroge la Cour sur la conformité d’une responsabilité solidaire inconditionnelle imposée au gérant, indépendamment de sa bonne foi ou de l’absence de faute. La question est de savoir si le droit de l’Union autorise un État membre à prévoir qu’un entrepositaire est tenu solidairement au paiement de la taxe. La Cour répond négativement : le droit de l’Union « ne permet pas aux États membres de prévoir que le gérant d’un entrepôt est tenu solidairement ». L’analyse de cette solution impose d’étudier l’encadrement de la responsabilité solidaire avant d’envisager la portée de la diligence requise des opérateurs.

I. L’encadrement de la responsabilité solidaire par le principe de proportionnalité

A. L’invalidation d’un régime de responsabilité solidaire sans faute

La Cour rappelle que les États membres disposent de la faculté de désigner une personne solidairement tenue d’acquitter la taxe due par le redevable initial. Toutefois, l’exercice de cette compétence est strictement limité par le respect des principes généraux du droit, notamment celui de proportionnalité. Le juge européen considère que des mesures « donnant de facto naissance à un système de responsabilité solidaire sans faute vont au-delà de ce qui est nécessaire ». Une telle automaticité ne permet pas de préserver l’équilibre entre les droits du Trésor public et la protection des tiers.

B. La protection de l’intégrité du patrimoine des tiers face au Trésor public

L’exigence de proportionnalité interdit d’imputer la perte de recettes fiscales de manière inconditionnelle à une personne n’ayant aucune influence sur les agissements du tiers assujetti. La Cour affirme qu’il serait « manifestement disproportionné d’imputer, de manière inconditionnelle » une telle charge à un opérateur totalement étranger à la fraude. La responsabilité fiscale ne peut devenir un mécanisme de garantie absolue au profit de l’État sans égard pour le comportement individuel du tiers. Cette approche renforce la protection du patrimoine des prestataires de services logistiques face aux défaillances de leurs clients.

II. La consécration de la diligence de l’opérateur comme limite à l’obligation fiscale

A. L’appréciation de la bonne foi et de l’absence de négligence

La solution repose sur l’examen du comportement du gérant de l’entrepôt, lequel doit pouvoir s’exonérer en démontrant sa probité. La Cour précise que la « bonne foi ou qu’aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée » constituent des éléments déterminants pour écarter la solidarité. L’entrepositaire doit avoir agi en « déployant toute la diligence d’un opérateur avisé » et avoir pris toute mesure raisonnable en son pouvoir. Cette reconnaissance de la bonne foi introduit une dimension subjective nécessaire pour tempérer la rigueur de la législation fiscale nationale.

B. La portée de la décision sur la sécurité juridique des opérateurs économiques

L’arrêt du 21 décembre 2011 sécurise les relations économiques en empêchant les États membres d’instaurer des régimes de responsabilité purement objectifs. Le gérant d’un entrepôt n’est plus exposé à une doute fiscale imprévisible dès lors qu’il démontre être « totalement étranger aux agissements de ce redevable ». Cette jurisprudence oblige les juridictions nationales à vérifier concrètement si l’opérateur a participé ou non à une quelconque manœuvre frauduleuse. La décision favorise ainsi une application plus juste du système commun de taxe sur la valeur ajoutée au sein de l’Union européenne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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