Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2016, n°C-508/15

La Cour de justice de l’Union européenne, le 29 mars 2017, définit les conditions du droit de séjour des membres de la famille d’un travailleur turc.

Dans cette affaire, une ressortissante turque a rejoint son époux en Allemagne au titre du regroupement familial avant que ce dernier n’interrompe son activité salariée.

Un second litige concernait un enfant ayant rejoint ses parents dont la mère n’est devenue travailleuse salariée que plusieurs années après son entrée sur le territoire.

Les autorités nationales ont refusé la prorogation des titres de séjour au motif que l’activité salariée du regroupant n’était pas ininterrompue depuis l’arrivée des proches.

Le tribunal administratif de Berlin a, par décisions du 15 octobre 2015, saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle sur l’interprétation de la décision n o 1/80.

La question posée visait à déterminer si le droit de séjour exige que le travailleur appartienne au marché de l’emploi immédiatement après l’arrivée de sa famille.

La Cour juge que cette disposition n’impose pas une telle simultanéité temporelle dès lors que la cohabitation effective a été maintenue durant la période d’activité.

Cette solution repose sur une lecture souple des critères d’intégration et confirme la primauté de l’objectif de consolidation de la situation des ressortissants turcs.

I. L’assouplissement de la condition temporelle liée à l’activité du travailleur

A. Le rejet d’une interprétation restrictive de la simultanéité

Les juges européens rappellent que l’article 7 ne prévoit pas expressément que l’activité du travailleur doit suivre immédiatement le regroupement familial des membres de sa famille.

La lettre de la disposition subordonne seulement le droit de séjour à une résidence régulière de trois ans auprès d’un travailleur appartenant au marché de l’emploi.

Imposer une condition de coïncidence temporelle stricte entre l’arrivée et le début de l’activité salariée reviendrait à ajouter une exigence non prévue par les textes.

Cette approche extensive permet d’inclure les familles dont le protecteur acquiert ou retrouve la qualité de travailleur après une période d’inactivité ou de travail indépendant.

B. Le maintien impératif du lien de cohabitation effective

La Cour souligne que le regroupement familial doit se manifester par une communauté domestique réelle avec le travailleur tant que l’intéressé ne dispose pas d’autonomie.

« Le regroupement familial doit se manifester pendant un certain temps par une cohabitation effective en communauté domestique avec le travailleur » selon la jurisprudence constante rappelée.

Cette exigence de vie commune assure que le droit de séjour reste fondé sur la finalité initiale de l’autorisation d’entrée accordée par l’État membre d’accueil.

Ainsi, la continuité de la résidence auprès du travailleur prime sur la chronologie exacte du début de son activité salariée régulière au sein du marché national.

II. Une lecture finaliste au service de l’intégration durable des familles

A. La consolidation progressive du statut juridique des ressortissants

L’objectif de la décision n o 1/80 consiste à favoriser l’insertion des familles turques en leur offrant progressivement un accès autonome au marché du travail local.

La juridiction souligne que refuser le droit de séjour en raison d’un décalage temporel nuirait gravement à la stabilité de la cellule familiale déjà bien intégrée.

« Le but essentiel ainsi poursuivi est de consolider la position dudit membre de la famille » afin de lui permettre de subvenir lui-même à ses propres besoins.

Cette protection s’applique d’autant plus fermement lorsque le ressortissant turc a résidé légalement pendant de nombreuses années sur le territoire de l’État membre concerné.

B. L’autonomie des droits face aux aléas du parcours professionnel

La solution retenue détache l’acquisition des droits des membres de la famille des seuls motifs ayant initialement justifié leur entrée ou leur séjour sur le territoire.

Les juges considèrent que l’interprétation restrictive du gouvernement national aboutirait à exclure une catégorie importante de travailleurs turcs du bénéfice de la protection sociale européenne.

Cette décision renforce la sécurité juridique des résidents en garantissant que les droits acquis ne sont pas remis en cause par des interruptions d’activité du regroupant.

Elle confirme ainsi la vocation de l’accord d’association à créer des conditions favorables au développement de l’association par une protection effective des travailleurs migrants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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