La Cour de justice de l’Union européenne, en sa septième chambre, a rendu le 21 décembre 2023 un arrêt concernant la réglementation des transports routiers. Cette affaire oppose une institution européenne à un État membre au sujet de l’instauration d’une durée maximale de stationnement sur les aires de repos publiques. Les faits portent sur une mesure nationale limitant à vingt-cinq heures l’occupation des places de parking par les poids lourds sur le réseau routier. L’institution requérante a introduit un recours en manquement, estimant que cette règle créait une restriction injustifiée à la libre prestation de services de transport. Un second État membre est intervenu au procès pour soutenir la validité de la mesure, invoquant des impératifs de sécurité et de protection de l’environnement. La question posée est de savoir si une limitation temporelle de stationnement constitue une entrave prohibée par les traités au regard de la liberté de service. La juridiction rejette le recours en considérant que la preuve d’un effet restrictif sur les opérateurs étrangers n’est pas rapportée de manière suffisamment probante. Cette décision invite à examiner la rigueur de l’exigence probante en matière d’entrave avant d’analyser la préservation de la compétence réglementaire des États membres.
I. L’exigence d’une démonstration probante de l’entrave aux libertés de circulation
A. La qualification incertaine de la mesure nationale comme restriction
Le juge rappelle que l’existence d’une restriction suppose la preuve d’un désavantage réel pesant spécifiquement sur les prestataires de services issus d’autres pays membres. Dans cet arrêt, il est explicitement indiqué que « le recours est rejeté » car l’argumentation présentée ne permettait pas d’établir une discrimination entre les opérateurs. L’institution n’a pas démontré que les transporteurs non-résidents subissaient une contrainte supérieure à celle des entreprises établies sur le territoire de l’État défendeur.
B. L’insuffisance des éléments de preuve apportés par la partie requérante
Le rejet de la demande repose sur le constat que les éléments fournis par la partie requérante demeurent trop généraux pour caractériser une entrave effective. La juridiction considère que l’institution n’a pas produit de données précises illustrant l’impact négatif concret de la mesure sur la liberté de transport transfrontalier. La simple affirmation d’un effet dissuasif ne saurait suffire à condamner une réglementation visant à organiser l’usage d’infrastructures publiques par nature limitées dans l’espace. Cette rigueur dans l’examen de la preuve protège la capacité des autorités à organiser leur territoire sans subir une ingérence juridictionnelle européenne constante et injustifiée.
II. Le maintien de la compétence étatique en matière de régulation du domaine public
A. La reconnaissance d’une marge de manœuvre pour les autorités nationales
L’arrêt confirme que les États membres conservent le pouvoir d’organiser souverainement les conditions d’utilisation des infrastructures routières situées sous leur propre juridiction géographique. La décision précise que l’aménagement des aires de repos participe d’une politique légitime de sécurité routière ainsi que de protection de la santé des travailleurs. Les juges admettent que la gestion de l’offre de stationnement relève de la discrétion administrative tant qu’elle ne vise pas délibérément à écarter les entreprises étrangères.
B. Les limites du contrôle juridictionnel sur les choix d’organisation des transports
La solution retenue témoigne d’une retenue certaine du juge face aux choix techniques opérés par les gouvernements nationaux pour la gestion de leurs services publics. Il en résulte que l’institution supporte ses dépens et ceux de la défense, tandis que l’État intervenant doit également supporter ses propres frais de justice. La portée de cet arrêt réside dans le rappel constant de la souveraineté fonctionnelle des États face aux velléités d’une harmonisation européenne dépourvue de base probante.