Cour de justice de l’Union européenne, le 21 février 2013, n°C-619/11

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le treize décembre deux mille douze, une décision fondamentale concernant les prestations de sécurité sociale. Cet arrêt porte sur l’interprétation du règlement relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille. Un ressortissant national avait exercé une activité salariée sur le territoire belge puis en France avant de cesser de travailler sans percevoir d’indemnités. Son épouse avait également travaillé en France pendant quinze ans avant de retourner vivre en Belgique avec leur fils après le décès. L’institution nationale compétente a refusé le bénéfice des allocations pour orphelins car le défunt ne remplissait pas les conditions de travail minimales.

La requérante contestait cette décision devant le tribunal du travail de Bruxelles, lequel a prononcé un jugement de renvoi le quinze novembre deux mille onze. La question juridique portait sur la possibilité d’agréger les périodes d’assurance du parent survivant pour l’ouverture d’un droit aux prestations sociales d’orphelin. Les juges européens ont considéré que le règlement exige la totalisation des périodes du survivant si la loi nationale fonde l’ouverture du droit sur celui-ci. L’étude de cette solution repose sur l’identification de la législation compétente ainsi que sur l’application du principe de totalisation des périodes d’assurance.

I. L’identification de la législation compétente en matière de prestations pour orphelins

A. Le critère de rattachement fondé sur la résidence de l’orphelin

Le règlement communautaire prévoit des dispositions spécifiques pour déterminer l’État membre responsable du versement des prestations destinées aux enfants ayant perdu un parent. Lorsque le travailleur défunt a été soumis aux législations de plusieurs États membres, les prestations sont accordées conformément à la législation de résidence de l’orphelin. Cette règle de conflit permet d’identifier précisément l’institution chargée d’appliquer son propre droit interne comme si le défunt y avait été seul soumis. La Cour rappelle que l’État de résidence est « seul compétent pour accorder les prestations en cause » afin de simplifier la gestion des droits sociaux. Ce mécanisme évite ainsi les cumuls de législations nationales ou les situations de vide juridique préjudiciables aux bénéficiaires de la protection sociale européenne.

B. La distinction nécessaire entre règle de conflit et conditions de fond

La désignation de la législation nationale par le critère de résidence ne suffit pas à définir les modalités précises d’acquisition du droit financier. Les dispositions du règlement se bornent à énoncer une règle de coordination sans organiser pour autant un régime commun de sécurité sociale obligatoire. Il appartient donc à chaque État membre de déterminer les conditions de fond de l’existence du droit aux prestations conformément à sa propre législation. La Cour souligne que les règlements européens laissent subsister des régimes nationaux distincts engendrant des créances spécifiques à l’égard d’institutions nationales désignées. Le droit au bénéfice des allocations dépend alors du contenu de la loi nationale une fois que l’institution compétente a été formellement identifiée.

II. L’application extensive du principe de totalisation des périodes d’assurance

A. L’inclusion des périodes accomplies par le parent survivant

Le principe de totalisation permet de prendre en compte les périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre pour l’acquisition des droits sociaux. L’institution compétente doit considérer ces activités comme si elles avaient été effectuées sous sa propre législation pour satisfaire aux exigences temporelles de travail. La Cour affirme que cette disposition « ne comporte aucune restriction quant au champ d’application personnel » et ne se limite pas au seul parent défunt. Si la loi nationale permet au survivant de fonder un droit, les périodes travaillées à l’étranger par ce dernier doivent obligatoirement être agrégées. Cette interprétation garantit que l’orphelin bénéficie de la protection la plus complète possible en tenant compte de la carrière globale de ses deux parents.

B. La protection de la liberté de circulation des travailleurs migrants

L’objectif des traités européens est d’assurer une liberté de mouvement aussi complète que possible aux citoyens exerçant une activité professionnelle au sein de l’Union. Un travailleur ne doit pas être traité de façon plus défavorable que celui ayant effectué toute sa carrière dans un seul État membre. Le refus de totaliser les périodes du survivant constituerait un obstacle injustifié susceptible de dissuader le retour du parent dans son pays d’origine. La Cour précise qu’un État ne peut exiger l’accomplissement d’une période minimale sur son territoire « en plus des périodes d’assurance accomplies dans un autre État ». Cette solution assure la pleine efficacité du système de coordination des régimes de sécurité sociale en protégeant les droits acquis par les travailleurs migrants.

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Hassan KOHEN
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