Cour de justice de l’Union européenne, le 21 février 2018, n°C-326/16

Par une ordonnance, la Cour de justice de l’Union européenne annule une décision de première instance et renvoie l’affaire pour un examen sur le fond. En l’espèce, un requérant avait introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne à l’encontre du Parlement européen. Le 19 avril 2016, le Tribunal, par voie d’ordonnance, avait rejeté ce recours comme étant manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sans donc examiner les arguments de fond présentés par la partie requérante. Cette dernière a alors formé un pourvoi devant la Cour de justice, contestant la régularité de la procédure suivie par le Tribunal qui l’a privée d’un jugement sur le bien-fondé de ses prétentions. La question de droit soumise à la Cour de justice était donc de déterminer si le Tribunal pouvait valablement écarter un recours par une simple ordonnance de rejet sans en analyser la substance. En réponse, la Cour de justice censure cette approche en affirmant que les conditions d’un tel rejet n’étaient pas réunies, annulant la décision attaquée. Elle précise que « L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 19 avril 2016 […] est annulée » et, par conséquent, que « L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il soit statué au fond ».

La décision de la Cour consacre ainsi le droit du justiciable à un examen approfondi de son affaire, limitant l’usage des procédures de rejet sommaire (I). Cette solution réaffirme avec force le rôle de la Cour de justice comme garante du droit à un recours effectif et de l’unité de l’ordre juridictionnel de l’Union (II).

I. La censure d’un déni de justice procédural

La Cour de justice, en annulant l’ordonnance du Tribunal, rappelle que le rejet d’une affaire pour des motifs procéduraux doit rester une exception. Elle confirme ainsi le droit fondamental à un examen au fond (A) tout en posant des limites strictes au recours à la procédure simplifiée de l’ordonnance (B).

A. La confirmation du droit à un examen au fond

Le renvoi de l’affaire devant le Tribunal « pour qu’il soit statué au fond » constitue le cœur de la décision. Cette formule souligne que la mission première d’une juridiction est de trancher la substance d’un litige qui lui est soumis. En l’espèce, le Tribunal avait mis fin à l’instance prématurément, privant le requérant d’une analyse de ses arguments. Une telle approche, bien que prévue par les textes pour écarter les recours manifestement voués à l’échec, ne doit pas conduire à un déni de justice.

La Cour de justice rappelle implicitement que l’économie procédurale ne saurait primer sur le droit d’accès au juge. En censurant le premier juge, elle garantit que seuls les cas où l’irrecevabilité ou le défaut de fondement juridique sont d’une évidence absolue peuvent justifier un rejet sommaire. La solution protège donc le justiciable contre une application trop extensive des filtres procéduraux qui viderait de sa substance son droit de contester un acte d’une institution de l’Union.

B. La limitation du recours à la procédure d’ordonnance

L’ordonnance de rejet est un instrument de gestion de la charge de travail des juridictions de l’Union. Elle permet d’écarter rapidement les recours qui n’ont aucune chance d’aboutir. Toutefois, la présente décision met en garde contre une utilisation qui deviendrait systématique ou insuffisamment motivée. En annulant l’ordonnance du 19 avril 2016, la Cour de justice contrôle la manière dont le Tribunal use de cette faculté.

Le message est clair : le juge de première instance doit démontrer, de façon circonstanciée, en quoi le recours est *manifestement* irrecevable ou infondé. Un simple doute doit profiter au requérant et conduire à un examen complet de l’affaire dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ordinaire. Cette décision discipline ainsi l’appréciation du Tribunal et l’oblige à une plus grande rigueur lorsqu’il envisage de clore une affaire par une procédure accélérée.

II. La portée de la décision : un rappel à l’ordre juridictionnel

Au-delà du cas d’espèce, cette ordonnance revêt une portée significative quant aux principes directeurs du procès devant les juridictions de l’Union. Elle réaffirme le droit fondamental à un recours effectif (A) et assoit le rôle régulateur de la Cour de justice dans l’architecture institutionnelle (B).

A. La garantie du droit au recours effectif

Cette décision s’inscrit dans le cadre de la protection du droit à un recours effectif, consacré tant par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que par la jurisprudence constante de la Cour. Le droit d’accès à un tribunal implique non seulement la possibilité de saisir une juridiction, mais également celle d’obtenir une décision motivée sur le bien-fondé de sa demande. Le rejet par ordonnance constitue une restriction à ce droit.

En conséquence, la Cour de justice veille à ce que cette restriction soit proportionnée au but poursuivi, à savoir la bonne administration de la justice. En l’occurrence, elle a estimé que la mesure prise par le Tribunal était disproportionnée, car elle fermait la voie juridictionnelle sans justification suffisante. La solution a donc une valeur de principe : elle protège tous les justiciables européens contre le risque d’un traitement expéditif de leurs recours contre les institutions de l’Union.

B. L’affirmation du rôle régulateur de la Cour de justice

Par cette annulation, la Cour de justice exerce pleinement sa fonction de juridiction suprême de l’ordre juridique de l’Union. Elle ne se contente pas de juger les actes des institutions politiques ; elle contrôle également les décisions des juridictions inférieures pour assurer une application uniforme du droit de l’Union, y compris ses règles de procédure. L’annulation et le renvoi agissent comme un rappel à l’ordre adressé au Tribunal.

Cette ordonnance illustre parfaitement la structure hiérarchique du système juridictionnel européen. La Cour de justice, en sa qualité de juge du pourvoi, garantit la cohérence de la jurisprudence et le respect des droits fondamentaux des justiciables à tous les échelons. En réservant les dépens, elle souligne le caractère provisoire de son intervention, qui vise uniquement à corriger une erreur de droit procédural avant que le fond du litige ne soit enfin jugé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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