La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 6 octobre 2025, précise les règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée. Le litige concerne deux livraisons successives d’un même bien ayant fait l’objet d’un unique transport intracommunautaire entre deux États membres de l’Union. Un opérateur intermédiaire a acquis des marchandises auprès d’un premier fournisseur avant de les revendre à un acquéreur final assurant l’expédition des produits. La qualification fiscale de ces opérations a généré un conflit relatif au droit à déduction de la taxe versée par l’acheteur final. La question posée au juge visait à identifier la livraison rattachée au transport et à définir la portée du principe de confiance légitime. L’étude se portera d’abord sur la localisation de la livraison avant d’envisager les conséquences d’une qualification erronée sur les droits à déduction.
I. La détermination du lieu de livraison dans les ventes en chaîne
A. L’application de l’article 32 aux livraisons successives
La Cour affirme que « l’article 32, premier alinéa, de la directive 2006/112/ce […] doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à la seconde de deux livraisons successives ». Cette interprétation fixe précisément le lieu de taxation de la transaction liée au mouvement physique des marchandises entre les différents pays membres. Le juge privilégie une lecture stricte des textes pour garantir que la taxe soit perçue là où les biens sont effectivement consommés. Cette solution assure la cohérence du système commun de taxe sur la valeur ajoutée en prévenant les risques de double imposition des opérateurs. Le champ d’application de l’article 32 étant défini, il convient d’étudier les critères de rattachement du transport à l’une des ventes de la chaîne.
B. La qualification de l’unique transport intracommunautaire
L’expédition unique ne peut être imputée qu’à une seule des deux ventes réalisées successivement par les acteurs économiques intervenant au cours de l’opération. Lorsqu’il est établi que la seconde livraison est celle qui revêt un caractère intracommunautaire, elle seule bénéficie du régime d’exonération prévu par la loi. Cette règle impose une analyse rigoureuse des conditions de transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire lors de son expédition. La clarté de cette distinction est indispensable pour permettre aux entreprises de sécuriser leurs flux commerciaux au sein du grand marché unique européen. La détermination rigoureuse du lieu de la livraison commande alors d’examiner les sanctions juridiques attachées à une méconnaissance de ces règles fiscales.
II. Les conséquences de la qualification erronée de la livraison
A. L’exclusion du droit à déduction de la taxe indue
L’acquéreur final ne peut déduire la taxe versée à son fournisseur si celle-ci a été facturée à tort sur la base d’une qualification erronée. La décision souligne qu’un opérateur « qui s’est prévalu à tort d’un droit à déduction […] ne peut pas déduire » une taxe qui n’était pas due. Le droit à déduction ne s’exerce que pour les taxes correspondant à une opération réellement soumise à l’imposition et non pour des montants indus. Cette rigueur protège les recettes fiscales nationales contre les déductions opérées sans fondement juridique valable ou sur la base d’erreurs d’interprétation manifestes. L’impossibilité de déduire une taxe indue conduit nécessairement à s’interroger sur l’opposabilité du principe de confiance légitime face à l’administration fiscale.
B. L’éviction du principe de protection de la confiance légitime
Le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être invoqué pour valider une déduction fondée sur des factures transmises par un intermédiaire. La Cour précise que ce droit ne s’étend pas à l’acheteur qui subit une « qualification erronée de sa livraison » par l’opérateur intermédiaire concerné. Les juges considèrent que la diligence de l’acheteur doit inclure la vérification du régime fiscal applicable à une transaction de nature manifestement internationale. Cette limitation prévient les risques de fraude et oblige les acteurs économiques à une vigilance accrue lors de la conclusion de contrats transfrontaliers.