La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 21 janvier 2016, interprète les conditions de détermination de la valeur en douane des marchandises. Ce litige porte spécifiquement sur la définition des personnes réputées liées lors d’une vente destinée à l’exportation vers le territoire de l’Union. Un particulier a importé des vêtements usagés en provenance des États-Unis en déclarant une valeur transactionnelle fondée sur le prix facturé par deux sociétés exportatrices. Le service national des impôts a contesté cette valeur après avoir constaté que le directeur des sociétés venderesses était le frère de l’acheteur. L’administration a alors procédé à une nouvelle évaluation d’office en considérant que les parties étaient des personnes liées au sens de la réglementation.
Saisie d’un recours, la juridiction administrative de première instance a rejeté la demande d’annulation de cette décision de rectification douanière. La juridiction d’appel a cependant infirmé ce jugement en estimant que le lien de parenté n’était pas établi à défaut de preuve de propriété des sociétés. La Cour suprême de Lettonie, saisie d’un pourvoi en cassation le 12 septembre 2014, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne. La question posée concerne l’application des liens familiaux lorsque l’une des parties à l’opération de vente est une personne morale dirigée par un parent de l’acheteur.
La Cour de justice affirme que l’acheteur et la société venderesse doivent être considérés comme liés si le dirigeant parent dispose du pouvoir d’influencer le prix. Le juge européen privilégie ainsi une approche fonctionnelle de la parenté afin de garantir l’intégrité du système des valeurs transactionnelles au sein de l’Union. L’analyse portera sur l’extension de la notion de personnes liées aux dirigeants sociaux avant d’examiner les critères de l’influence effective sur le prix.
**I. L’extension de la notion de personnes liées aux dirigeants de sociétés**
A. L’inclusion des relations de parenté médiatisées par la personne morale
La Cour souligne que l’article 143 du règlement du 2 juillet 1993 énumère de manière restrictive les cas où des personnes sont réputées être liées. Elle reconnaît que le libellé semble viser des relations entre personnes physiques alors que le vendeur est ici une entité juridique distincte. Cependant, la juridiction estime qu’une interprétation strictement littérale compromettrait l’efficacité des contrôles douaniers sur les prix de transfert. « Exclure d’emblée qu’un acheteur et un vendeur puissent être considérés comme étant des personnes liées » au motif de la personnalité morale serait inapproprié. L’existence d’un écran sociétaire ne saurait donc occulter les rapports de parenté susceptibles d’affecter la sincérité des transactions commerciales transfrontalières.
B. La préservation de l’effet utile de la réglementation douanière
Le système d’évaluation vise à établir un cadre équitable et neutre qui « exclue l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives » par les opérateurs. La Cour rappelle que la valeur transactionnelle doit refléter la réalité économique des marchandises importées sans être influencée par des liens personnels. « Le risque de voir des personnes apparentées influencer le prix de vente » existe dès lors qu’un parent dispose d’un pouvoir décisionnel au sein de l’entreprise. Cette interprétation téléologique permet aux autorités nationales d’exercer leur mission de surveillance sans être entravées par des montages juridiques simples. Le juge européen assure ainsi la cohérence entre les dispositions d’application et les principes fondamentaux du code des douanes communautaire.
**II. La recherche d’une influence effective sur la valeur transactionnelle**
A. Le critère déterminant du pouvoir de direction et d’influence
La reconnaissance d’un lien n’entraîne pas automatiquement le rejet du prix déclaré mais impose une vérification approfondie des circonstances propres à la vente. Pour admettre un lien de parenté indirect, il faut établir que le parent de l’acheteur « dispose effectivement du pouvoir d’influencer le prix » au bénéfice de ce dernier. Les autorités doivent examiner concrètement les fonctions exercées par le parent au sein de la structure venderesse pour valider cette capacité d’action. La circonstance que le membre de la famille soit le seul à exercer une activité au sein de la société constitue un indice particulièrement pertinent. Cette approche évite une application automatique de la suspicion et oblige l’administration à démontrer la réalité du pouvoir de contrôle sur la tarification.
B. Le maintien de la charge de la preuve et du contrôle a posteriori
Une fois le lien établi, la valeur transactionnelle reste acceptable si le déclarant démontre que les liens de parenté n’ont pas indûment réduit le prix. Les autorités douanières sont habilitées à refuser le prix indiqué si elles considèrent que la transaction a été biaisée par la proximité des parties. « Il appartient alors aux autorités douanières compétentes » d’examiner si le prix correspond à celui qui aurait été pratiqué entre des opérateurs totalement indépendants. Cette décision renforce les pouvoirs d’investigation des administrations nationales tout en maintenant des garanties procédurales pour les importateurs de bonne foi. La portée de cet arrêt assure une protection accrue contre l’érosion des ressources propres de l’Union résultant de sous-évaluations frauduleuses.