Cour de justice de l’Union européenne, le 21 janvier 2021, n°C-501/19

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 janvier 2021, un arrêt essentiel relatif à l’interprétation de la directive concernant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision fait suite à une demande de décision préjudicielle introduite par la Cour d’appel de Bucarest dans le cadre d’un litige portant sur la fiscalité des redevances musicales. Le litige opposait initialement un organisme de gestion collective à l’administration fiscale nationale au sujet de la perception de la taxe lors de la diffusion d’œuvres protégées. La juridiction de renvoi cherchait à déterminer si l’octroi de licences non exclusives en échange de redevances constituait une prestation de services taxable entre les mains des créateurs. Le problème juridique central consiste à savoir si le titulaire de droits d’auteur réalise une opération onéreuse et comment qualifier l’intervention de l’organisme chargé de la collecte. La Cour décide qu’un titulaire de droits « effectue une prestation de services à titre onéreux » dès lors qu’une licence autorise la communication d’œuvres moyennant le paiement de redevances.

I. L’affirmation d’une prestation de services réalisée à titre onéreux

A. L’identification d’un rapport juridique caractérisant l’onérosité

    Le droit de l’Union européenne conditionne l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée à l’existence d’un lien direct entre le service rendu et la contrepartie financière reçue. La Cour souligne que le titulaire de droits permet à l’utilisateur final de diffuser des œuvres musicales en échange d’une redevance calculée selon des barèmes légaux ou conventionnels. Cette relation juridique crée un échange de prestations réciproques où la licence accordée constitue l’avantage retiré par l’organisateur de spectacles en contrepartie du prix payé par lui. Le montant versé par l’utilisateur ne saurait être considéré comme une simple indemnité car il représente la valeur de l’usage autorisé par le détenteur des droits protégés.

B. L’incidence limitée du mandat confié à l’organisme de gestion

    L’intervention d’un tiers pour percevoir les sommes dues n’altère pas la nature synallagmatique du lien unissant le créateur de l’œuvre musicale à l’organisateur de l’événement culturel. L’organisme de gestion collective agit pour le compte du titulaire mais l’autorisation de communication au public émane juridiquement de la volonté de celui qui détient les droits originaux. L’arrêt précise que le service est effectué « au bénéfice d’un organisateur de spectacles » même si les flux financiers transitent nécessairement par une structure de gestion intermédiaire. La transparence de l’organisme permet de maintenir la qualification de prestation de services onéreuse entre le créateur et celui qui exploite effectivement les compositions musicales lors d’un concert.

II. La consécration du mécanisme de l’intermédiation fiscale

A. L’assimilation de l’organisme gestionnaire à un assujetti propre

    L’article 28 de la directive relative au système commun de taxe instaure une fiction juridique pour les commissionnaires agissant en leur nom propre mais pour le compte d’autrui. L’organisme de gestion est « réputé avoir reçu cette prestation de services » des titulaires de droits avant de la fournir personnellement et de manière distincte à l’utilisateur final. Cette disposition simplifie la perception de la taxe en traitant l’intermédiaire comme s’il était le prestataire direct du service de diffusion musicale pour le public concerné. La Cour impose une lecture rigoureuse des mécanismes de représentation qui obligent l’entité de gestion à s’insérer pleinement dans la chaîne de consommation des services de l’esprit.

B. La clarification des obligations formelles relatives à la facturation

    L’assimilation du gestionnaire à un assujetti entraîne des conséquences impératives sur la documentation des transactions financières réalisées entre les différents acteurs intervenant dans la chaîne des droits. L’organisme est désormais tenu d’établir des factures « en son nom pour l’utilisateur final dans lesquelles figurent les redevances perçues » en y incluant systématiquement le montant de la taxe. Parallèlement, les titulaires des droits d’auteur doivent émettre des factures incluant la taxe à l’attention de la structure de gestion pour matérialiser la cession de leurs droits d’usage. Cette double obligation de facturation assure la parfaite neutralité fiscale du système tout en garantissant une traçabilité précise des sommes reversées aux différents auteurs des œuvres musicales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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