Cour de justice de l’Union européenne, le 21 juillet 2011, n°C-194/09

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 21 juillet 2011, s’est prononcée sur le régime juridique des aides d’État. Ce litige porte sur la prorogation d’un tarif d’électricité préférentiel initialement accordé dans le cadre d’une privatisation industrielle. Le mécanisme permettait à une entreprise de bénéficier de prix réduits compensés par un prélèvement parafiscal géré par un organisme public de péréquation. L’institution européenne avait ouvert une procédure formelle d’examen en qualifiant cette mesure d’aide nouvelle et illégale malgré une décision antérieure d’absence d’aide. Le bénéficiaire du tarif a contesté cette qualification devant le Tribunal qui a rejeté son recours par une décision du 25 mars 2009. Un pourvoi a été formé devant la Cour de justice pour contester l’application des règles relatives aux aides nouvelles. La question posée aux juges portait sur la nature juridique d’une mesure prorogée et modifiée après une constatation initiale de non-aide. La Cour confirme que des modifications substantielles justifient l’ouverture d’une procédure d’examen pour aide nouvelle sans méconnaître les principes de sécurité juridique.

L’analyse de cette solution impose d’étudier la qualification de la mesure modifiée comme aide nouvelle avant d’examiner l’absence de protection de la confiance légitime.

I. La qualification de la mesure litigieuse comme aide nouvelle

A. L’influence prépondérante de la modification du financement

Le juge de l’Union européenne souligne que les modalités de financement constituent un élément essentiel pour apprécier la validité d’une mesure étatique. Il rappelle ainsi que « le mode de financement d’une aide peut rendre l’ensemble du régime d’aide qu’il entend financer incompatible avec le marché commun ». Le passage d’un tarif de marché à un système de remboursement financé par une taxe parafiscale modifie la nature même de l’avantage accordé. Les juges considèrent que cette transformation structurelle interdit de regarder la mesure comme le simple prolongement d’un dispositif technique antérieurement validé. L’institution européenne était donc fondée à vérifier si ce mécanisme de compensation n’entraînait pas l’octroi d’un avantage économique sélectif au sens du traité. Cette modification de la substance même du dispositif impose le respect de la procédure rigoureuse applicable aux projets d’aides nouvelles.

B. La distinction objective entre les décisions successives

L’arrêt précise que la qualification d’aide nouvelle répond à une situation objective indépendante des déclarations ou du comportement passé des institutions. La Cour valide le raisonnement du Tribunal en affirmant que « la mesure examinée dans la décision litigieuse était distincte de celle examinée dans la décision » initiale de 1996. La prorogation de la durée de validité du tarif associée au changement de gestionnaire transforme radicalement la portée de l’acte juridique originel. Les juges refusent d’étendre la qualification d’aide existante à une mesure qui a évolué sous l’influence directe des autorités de l’État membre. Une mesure qui n’était pas une aide peut le devenir par la suite en raison d’une modification de sa substance même. Cette distinction fonctionnelle permet à l’autorité de contrôle d’exercer son pouvoir sur des dispositifs qui échapperaient sinon à toute surveillance communautaire.

Cette qualification rigoureuse de la mesure comme aide nouvelle écarte logiquement les garanties liées à la permanence d’une situation juridique prétendument acquise.

II. L’inefficacité des principes de protection juridique

A. La portée limitée de l’appréciation économique initiale

Le juge considère que les conclusions d’absence d’aide reposent sur une analyse économique liée à des circonstances temporelles précises et non immuables. La Cour approuve le constat selon lequel l’approbation du tarif dans la décision initiale « était limitée dans le temps justement parce qu’elle reposait sur une appréciation économique ». Une entreprise prudente et avertie ne saurait espérer la reconduction automatique d’un avantage tarifaire dans un marché de l’énergie en pleine libéralisation. L’évolution des conditions de marché rend caduque toute présomption de validité perpétuelle attachée à une décision administrative fondée sur des prix historiques. La prorogation d’un tarif au-delà de sa date d’extinction initiale constitue un fait juridique nouveau dont la compatibilité doit être réévaluée. L’appréciation passée ne peut être invoquée pour couvrir une extension législative décidée unilatéralement par les autorités nationales.

B. L’absence de fondement à une confiance légitime

Le principe de protection de la confiance légitime suppose que l’institution ait fourni des assurances précises sur le maintien d’une situation juridique donnée. Les juges soulignent ici que « la décision initiale n’a pu faire naître une confiance légitime dans l’extension » des conclusions premières au nouveau cadre réglementaire. En l’absence d’engagements spécifiques sur la prorogation du tarif préférentiel, le bénéficiaire ne peut se prévaloir d’une quelconque certitude juridique durable. La Cour réaffirme que la sécurité juridique n’implique pas le figement des règles de concurrence face aux modifications de fait opérées par l’État. Le droit de se prévaloir d’une espérance fondée disparaît dès lors qu’un opérateur peut prévoir l’adoption d’une mesure affectant ses intérêts. Le rejet du pourvoi confirme la primauté de l’analyse objective des aides d’État sur les prétentions subjectives des entreprises bénéficiaires.

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Hassan KOHEN
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