La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 juillet 2011, un arrêt relatif aux règles de passation des marchés publics. Cette décision précise les conditions de transparence lors de l’évaluation technique des offres soumises par les opérateurs économiques. Un prestataire a participé à plusieurs appels d’offres lancés par une agence de l’Union spécialisée dans la sécurité maritime. Après le rejet de ses propositions, l’entreprise a sollicité l’annulation des décisions d’attribution devant la juridiction de première instance. Le Tribunal a partiellement fait droit à cette demande pour un lot, mais a rejeté le recours pour le second marché contesté. L’opérateur a alors formé un pourvoi devant la Cour de justice en invoquant une erreur de droit concernant les critères d’attribution. Le requérant soutenait que l’administration avait irrégulièrement subdivisé les critères d’évaluation au cours de la phase d’analyse des offres. La question posée au juge consistait à déterminer si un pouvoir adjudicateur peut préciser les modalités d’évaluation après l’expiration du délai de dépôt. La Cour confirme la décision attaquée en validant l’utilisation de sous-critères respectant les principes d’égalité de traitement et de transparence. L’étude de la légalité des sous-critères précédera l’analyse de l’obligation de motivation incombant aux autorités administratives.
**I. L’encadrement de la spécification des critères d’attribution**
**A. L’exigence de transparence préalable des critères**
Le droit de la commande publique repose sur l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de définir précisément les critères d’évaluation dans le cahier des charges. Cette exigence permet d’assurer une concurrence réelle et une égalité de traitement entre tous les candidats au marché. La Cour rappelle qu’afin « de garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence, il importe que tous les éléments pris en considération » soient connus. Les soumissionnaires doivent effectivement pouvoir anticiper les attentes de l’administration pour élaborer une offre compétitive et pertinente lors de la phase de préparation.
L’interdiction de modifier les critères en cours de procédure constitue une garantie essentielle contre l’arbitraire de l’autorité contractante. Le juge souligne qu’un « pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer, pour les critères d’attribution, des sous-critères qu’il n’a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires ». Cette règle interdit toute introduction d’éléments nouveaux qui altéreraient l’économie générale du marché après la réception des plis. La sécurité juridique des opérateurs dépend directement de cette stabilité des règles du jeu fixées initialement par les documents de la consultation.
**B. La validité des pondérations de sous-critères déterminées ex post**
La jurisprudence admet une certaine souplesse pour permettre aux comités d’évaluation de structurer leur travail d’analyse technique des offres. La Cour reconnaît qu’il est possible de déterminer des coefficients de pondération pour des sous-critères après l’expiration du délai de présentation. Cette faculté est toutefois soumise à trois conditions cumulatives strictes destinées à prévenir toute dérive discriminatoire durant l’examen. La détermination ultérieure ne doit pas modifier les critères définis dans le cahier des charges ou l’avis de marché initial.
L’administration doit également veiller à ce que ces précisions n’auraient pas pu influencer la préparation des offres si elles avaient été connues. Enfin, la décision ne doit pas être adoptée en prenant en compte des éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des candidats. La Cour estime qu’un comité d’évaluation doit « disposer d’une certaine liberté dans l’accomplissement de sa tâche » pour analyser les dossiers. Cette méthode de travail interne reste licite tant qu’elle se borne à expliciter des critères préexistants sans en dénaturer la substance.
**II. La consécration de la régularité du contrôle administratif**
**A. L’étendue de l’obligation de motivation envers les soumissionnaires évincés**
Le respect du principe de transparence impose au pouvoir adjudicateur de communiquer les motifs du rejet d’une offre à l’opérateur non retenu. Cette obligation permet au candidat évincé de vérifier la régularité de la procédure et d’exercer un recours juridictionnel efficace. Le juge précise que l’autorité doit indiquer « les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire ». La motivation doit être suffisante pour permettre à l’intéressé de comprendre la logique ayant conduit au choix d’un autre prestataire.
Le droit d’accès aux informations ne constitue pas pour autant une base juridique permettant de formuler des critiques de toute nature. La Cour considère que la motivation est adéquate si elle permet au destinataire de « déduire les avantages relatifs de l’offre retenue par rapport à la sienne ». L’administration n’est pas tenue de transmettre l’intégralité du rapport d’évaluation si les éléments fournis suffisent à justifier la décision. Cette approche équilibre la protection des secrets d’affaires de l’attributaire et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant.
**B. La rigueur procédurale du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation**
Le contrôle opéré par le juge sur l’évaluation technique des offres se limite au constat d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’administration. Le requérant doit apporter des preuves précises démontrant que les notes attribuées ne correspondent pas à la réalité de sa proposition technique. La Cour rejette les arguments qui se limitent à reproduire les moyens déjà présentés devant le Tribunal sans identifier d’erreur de droit. Un pourvoi ne peut effectivement tendre à obtenir un simple réexamen des faits de la cause par la juridiction supérieure.
La charge de la preuve incombe au soumissionnaire qui conteste la valeur des appréciations portées par les experts du comité d’évaluation. Le juge vérifie que le Tribunal a exposé « à suffisance de droit les raisons » pour lesquelles aucune erreur manifeste n’a été constatée. L’absence de démonstration probante de la part de l’entreprise entraîne nécessairement le rejet de ses prétentions concernant la qualité de son offre. La décision finale confirme ainsi la validité de la procédure suivie par l’agence européenne et la régularité de l’arrêt rendu en première instance.