Cour de justice de l’Union européenne, le 21 juillet 2011, n°C-506/08

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de sa première chambre rendu le 21 juillet 2011, précise l’étendue du droit d’accès aux documents institutionnels. Un opérateur économique avait sollicité la communication de rapports et d’avis internes relatifs à une procédure de contrôle des concentrations après l’annulation de la décision initiale. L’institution refuse cette demande au nom de la protection de son processus décisionnel et de la confidentialité des avis juridiques. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes rejette le recours en annulation par une décision du 9 septembre 2008. Un État membre forme alors un pourvoi devant la Cour de justice pour contester cette interprétation restrictive des libertés publiques européennes. La juridiction suprême doit déterminer si la clôture définitive d’une affaire administrative impose à l’institution de motiver plus rigoureusement le maintien du secret. La Cour annule l’arrêt attaqué car l’administration n’a pas établi d’atteinte concrète et prévisible aux intérêts protégés.

I. L’exigence de motivation concrète face à la clôture de la procédure administrative

A. L’incidence de l’aboutissement du processus décisionnel sur le droit d’accès

Le juge de l’Union rappelle que les exceptions au principe de transparence doivent faire l’objet d’une interprétation strictement encadrée par la réglementation. Il souligne que « une fois la décision adoptée, les exigences de protection du processus décisionnel présentent une acuité moindre ». La clôture de la procédure administrative constitue un élément de fait déterminant pour apprécier la légalité d’un refus de communication. L’institution ne peut ignorer ce changement de contexte chronologique lorsqu’elle examine une demande d’accès fondée sur le droit du public à l’information. Cette approche renforce l’effectivité du principe d’ouverture en limitant les restrictions aux seules nécessités d’une procédure encore en cours d’examen.

L’arrêt précise que l’administration doit fournir des explications spécifiques pour justifier que le refus d’accès demeure nécessaire malgré la fin du litige. Elle doit démontrer de quelle manière la divulgation porterait « concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé » par les dispositions du règlement applicable. La simple invocation d’une procédure passée ne suffit plus à établir une présomption de confidentialité au profit des services administratifs concernés. Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en validant un refus qui ne tenait pas compte de cette distinction temporelle essentielle.

B. Le rejet des présomptions abstraites de perturbation du fonctionnement interne

La Cour de justice censure le raisonnement fondé sur des risques de pressions internes ou d’autocensure des fonctionnaires en cas de publicité des travaux. Elle affirme que le risque d’atteinte doit être « raisonnablement prévisible et non purement hypothétique » pour justifier légalement l’opacité des documents préparatoires. L’argument selon lequel les agents n’exprimeraient plus librement leur opinion sans garantie de secret est jugé trop général par les magistrats européens. Une telle position reviendrait à vider de sa substance le droit d’accès en permettant une protection quasi systématique de tous les écrits internes.

Les juges considèrent que les membres de l’institution doivent exercer leurs fonctions en pleine indépendance sans craindre le regard légitime des citoyens européens. L’obligation de divulguer des avis critiques n’entrave pas l’efficacité administrative mais oblige l’autorité à renforcer la motivation de ses décisions finales. La transparence devient un outil de contrôle de la qualité du travail administratif plutôt qu’une menace pour la sérénité des délibérations internes. En l’absence d’éléments circonstanciés rattachés au contenu précis du rapport, l’atteinte grave au fonctionnement de l’institution n’est pas caractérisée.

II. La consécration de la transparence comme fondement de la légitimité institutionnelle

A. L’encadrement rigoureux de l’exception relative à la protection des avis juridiques

Le droit au secret des avis juridiques ne saurait être invoqué de manière automatique pour faire obstacle à la participation démocratique des citoyens. La Cour relève que la divulgation d’un avis divergent « contribue à conférer aux institutions une plus grande légitimité » en permettant un débat ouvert. L’absence d’information sur les discussions internes est précisément ce qui alimente les doutes du public quant à la légalité des actes adoptés. Le renforcement de la motivation d’une décision permet de dissiper les incertitudes nées de l’existence d’un avis initialement défavorable au sein des services.

L’arrêt rejette également l’argument tenant à la difficulté pour le service juridique de défendre ultérieurement une position contraire devant les juridictions compétentes. Un tel motif d’ordre général ne peut faire échec au principe de transparence, particulièrement lorsque la décision administrative n’est plus susceptible de recours. La mission de conseil juridique ne confère pas une immunité absolue contre la curiosité du public dès lors que les intérêts juridictionnels sont préservés. Le juge impose ainsi une mise en balance réelle entre le besoin de confidentialité et l’exigence de responsabilité de l’administration.

B. L’affirmation de la fonction démocratique de l’ouverture des débats internes

Cette décision s’inscrit dans la volonté de rapprocher le processus décisionnel de l’Union des citoyens en garantissant une plus grande responsabilité administrative. La transparence assure une meilleure participation au système démocratique et garantit le respect des droits fondamentaux reconnus par les traités européens. Le juge confirme que l’activité administrative de l’institution n’échappe nullement au champ d’application du droit d’accès malgré ses spécificités techniques. L’ouverture des débats internes permet d’accroître la confiance du public envers les organes de direction en exposant la pluralité des analyses.

La portée de cet arrêt réside dans l’obligation faite aux institutions de soumettre leurs écrits internes à un examen individuel et concret. Toute dérogation au droit d’accès doit désormais être étayée par des éléments de preuve démontrant un danger réel pour les intérêts protégés. Le secret administratif perd son caractère de principe pour devenir une exception strictement surveillée par le juge du droit. Cette évolution jurisprudentielle marque une étape importante vers une gouvernance européenne plus transparente et soumise au contrôle critique de ses administrés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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