Cour de justice de l’Union européenne, le 21 juillet 2016, n°C-597/14

La Cour de justice de l’Union européenne, le 15 décembre 2016, précise les limites du pouvoir d’appréciation de l’Office face aux preuves produites tardivement. Une demande d’enregistrement de marque figurative a suscité l’opposition du titulaire d’une marque espagnole et d’une marque de l’Union européenne antérieure. La division d’opposition a rejeté l’opposition fondée sur le signe national, estimant son existence insuffisamment établie dans les délais réglementaires impartis. La quatrième chambre de recours de l’Office a ensuite rejeté l’opposition dans son intégralité le 11 octobre 2012. Le Tribunal de l’Union européenne a annulé cette décision le 24 octobre 2014 dans l’affaire T-543/12 pour omission de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation. L’Office demande l’annulation de cet arrêt, critiquant l’assimilation des preuves nouvelles aux preuves supplémentaires effectuée par les premiers juges. Le litige porte sur la faculté pour la chambre de recours de prendre en compte des preuves entièrement nouvelles fournies hors délai. La Cour écarte le pourvoi en affirmant que seule la production de preuves supplémentaires demeure possible après l’expiration du délai initial. Il convient d’étudier la distinction entre les preuves nouvelles et supplémentaires puis d’analyser l’obligation de vérification pesant sur les instances de l’Office.

I. La distinction rigoureuse entre preuves nouvelles et supplémentaires

A. La limitation du pouvoir discrétionnaire aux preuves complémentaires

Le régime de l’opposition repose sur le respect des délais pour la production des preuves établissant l’existence et l’usage des marques antérieures invoquées. La juridiction précise que « lorsqu’aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’Office, le rejet de l’opposition doit être prononcé d’office ». La production de preuves supplémentaires demeure possible lorsque des éléments ont déjà été versés aux débats par la partie opposante initialement. Cette distinction protège la prévisibilité de la procédure tout en permettant un ajustement technique raisonnable lors de l’examen des dossiers de propriété intellectuelle.

B. La prévalence d’une interprétation uniforme face aux divergences linguistiques

L’Office invoquait des divergences entre les versions linguistiques du règlement d’application pour justifier une lecture restrictive des pouvoirs de la chambre de recours. La version française de la règle 50 évoque des preuves « nouveaux ou supplémentaires », contrairement aux versions espagnole, allemande ou encore anglaise. La Cour rappelle la nécessité d’une interprétation uniforme garantissant la finalité de la réglementation au-delà des variations textuelles entre les différentes langues. Elle affirme que « la règle 50 du règlement d’application ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle élargit les pouvoirs d’appréciation » aux preuves nouvelles.

II. L’obligation de motivation et de vérification par la chambre de recours

A. Le nécessaire examen de la nature des pièces versées tardivement

Le Tribunal de l’Union européenne, le 24 octobre 2014, avait reproché à la chambre de recours de ne pas avoir exercé son pouvoir d’appréciation. La Cour confirme cette analyse car la chambre de recours a écarté les pièces sans vérifier si elles revêtaient un caractère complémentaire ou additionnel. Le rejet automatique d’un élément de preuve tardif constitue une erreur manifeste lorsque cet élément peut raisonnablement être considéré comme complétant utilement le dossier. L’Office a l’obligation de motiver son refus de prendre en compte des preuves dont la nature supplémentaire n’a pas été préalablement analysée.

B. Le maintien de l’annulation malgré l’erreur de droit du Tribunal

Le pourvoi de l’Office est rejeté malgré l’erreur de droit commise par les premiers juges concernant la confusion entre preuves nouvelles et supplémentaires. La décision initiale de la chambre de recours demeure viciée puisqu’elle a omis d’examiner si les éléments produits présentaient un caractère complémentaire recevable. Le Tribunal a constaté à juste titre que l’instance de recours avait violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement sur la marque de l’Union européenne. Le dispositif de l’arrêt attaqué est maintenu car il repose sur une méconnaissance procédurale avérée par la juridiction de dernier ressort.

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Hassan KOHEN
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