Par un arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur une action intentée contre un État membre. En l’espèce, il était reproché à cet État de ne pas avoir adopté les mesures nationales nécessaires pour transposer une directive de la Commission dans le délai qui lui avait été imparti. La procédure avait été engagée à la suite de la constatation de cette omission par l’institution gardienne des traités. La question juridique soumise à la Cour était donc de savoir si l’absence de transposition d’une directive dans les délais constitue un manquement d’un État membre aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union. La Cour a répondu sans équivoque par l’affirmative, jugeant qu’« en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive […], la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive ». Cette solution, classique dans son principe, réaffirme la force contraignante des sources du droit de l’Union (I) et met en lumière le rôle central du recours en manquement dans l’architecture institutionnelle européenne (II).
I. La réaffirmation de la force contraignante du droit de l’Union
La décision commentée rappelle avec fermeté la nature des obligations pesant sur les États membres, en soulignant d’une part le caractère impératif de la transposition des directives (A) et d’autre part, la portée de cet acte au sein de l’ordre juridique de l’Union (B).
A. Le caractère objectif du manquement à l’obligation de transposition
La Cour de justice constate le manquement de manière factuelle et objective. Elle se borne à vérifier que le délai imparti pour la transposition de la directive est expiré et qu’aucune mesure nationale n’a été communiquée par l’État membre concerné. Le raisonnement de la Cour ne s’attache nullement aux causes ou aux justifications éventuelles de ce retard. Des difficultés d’ordre interne, qu’elles soient politiques, administratives ou juridiques, ne sauraient en effet être invoquées par un État pour se soustraire à ses obligations européennes.
Cette approche consacre une jurisprudence constante qui considère que le manquement est constitué par la seule violation objective du droit de l’Union. Le simple fait de ne pas avoir atteint le résultat prescrit par la directive, à savoir l’adoption de normes nationales conformes, suffit à caractériser la faute de l’État. La Cour se limite à un contrôle de légalité strict, sans apprécier l’opportunité ou les circonstances de l’omission étatique, garantissant ainsi une application uniforme et rigoureuse du droit de l’Union sur tout son territoire.
B. La portée de l’obligation issue de l’article 288 du TFUE
La décision trouve son fondement dans l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui définit les actes juridiques de l’Union. Aux termes de cet article, la directive « lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». L’arrêt illustre parfaitement cette définition en sanctionnant l’absence de résultat. L’obligation de transposition n’est pas une simple faculté laissée à la discrétion des États, mais bien une exigence juridique fondamentale.
Cette obligation est essentielle au bon fonctionnement du marché intérieur et à la réalisation des politiques communes. La transposition permet d’assurer l’effectivité du droit de l’Union en l’intégrant dans les ordres juridiques nationaux, créant ainsi des droits et des obligations pour les particuliers. En l’espèce, la directive visait à harmoniser les règles relatives à certaines substances dans l’alimentation des animaux. Son absence de transposition créait une rupture dans l’uniformité du marché et privait les opérateurs économiques des garanties offertes par la législation européenne.
Une fois le manquement constaté, le système juridique de l’Union déploie des instruments spécifiques pour en assurer la sanction et la réparation.
II. Le recours en manquement, garantie de l’effectivité du droit de l’Union
L’arrêt rendu met en œuvre la procédure du recours en manquement, un mécanisme de contrôle essentiel qui illustre le rôle de gardienne des traités dévolu à la Commission (A) et ouvre la voie à des conséquences potentiellement lourdes pour l’État défaillant (B).
A. L’office du juge dans le cadre de l’action en manquement
La présente décision est un arrêt en manquement déclaratoire. Son principal objet est de constater officiellement et avec force de chose jugée que l’État membre a violé le droit de l’Union. Cette procédure, généralement initiée par la Commission européenne en vertu de l’article 258 du TFUE, est l’outil principal pour assurer le respect des obligations par les États. Le rôle de la Cour de justice est ici de dire le droit et de rendre une décision qui s’impose à l’État condamné.
Conformément à l’article 260, paragraphe 1, du TFUE, l’État dont le manquement a été constaté est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour dans les plus brefs délais. La décision commentée ne précise pas ces mesures, mais elle contraint implicitement l’État à mettre fin à son inaction. Cet arrêt constitue donc la première étape d’un processus coercitif visant à restaurer la légalité européenne.
B. Les suites potentielles de la condamnation pour manquement
Bien que déclaratoire, cet arrêt n’est pas dépourvu de conséquences pratiques. Si l’État membre persiste dans son manquement et ne se conforme pas à l’arrêt, la Commission peut saisir à nouveau la Cour de justice. Dans le cadre de cette seconde procédure, régie par l’article 260, paragraphe 2, du TFUE, la Cour peut infliger des sanctions pécuniaires à l’État défaillant, sous la forme d’une somme forfaitaire et/ou d’une astreinte journalière. Ce mécanisme financier a pour but d’exercer une pression efficace pour l’amener à exécuter la décision.
Par ailleurs, la constatation d’un manquement peut avoir des conséquences pour les particuliers. La jurisprudence de la Cour a établi que, sous certaines conditions, les dispositions claires, précises et inconditionnelles d’une directive non transposée peuvent être invoquées par les justiciables à l’encontre de l’État défaillant (effet direct vertical). De plus, l’absence de transposition peut engager la responsabilité de l’État pour les dommages causés aux particuliers du fait de la non-application du droit de l’Union.