Cour de justice de l’Union européenne, le 21 juin 2018, n°C-1/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 juin 2018, un arrêt relatif à la compétence judiciaire internationale. Un salarié recruté en Italie fut détaché en Pologne avant d’être licencié par ses employeurs successifs pour des fautes disciplinaires. L’intéressé a saisi le tribunal de Turin afin de contester la rupture de son contrat et réclamer des indemnités pour préjudice moral. L’employeur italien a alors formé une demande reconventionnelle visant le remboursement de frais indus perçus par le salarié auprès de la filiale. Cette créance avait été cédée par la société polonaise à la société mère après l’introduction de l’instance initiale devant les juges italiens.

Le tribunal de Turin, par un jugement du 14 septembre 2015, s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle de l’employeur. La cour d’appel de Turin a ensuite saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle sur l’interprétation du règlement communautaire applicable. La question posée portait sur la possibilité pour l’employeur d’introduire une telle demande fondée sur une créance cédée postérieurement à l’action. Les juges luxembourgeois ont admis la compétence du juge saisi de la demande initiale dès lors que les prétentions possèdent une origine commune. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’origine commune des demandes avant d’envisager la conciliation entre économie processuelle et protection du salarié.

I. L’unité de la relation de travail comme fondement de la compétence reconventionnelle

A. La reconnaissance d’une origine commune aux prétentions réciproques

La Cour souligne que le for spécial en matière de demande reconventionnelle permet aux parties de régler l’ensemble de leurs prétentions réciproques. Il ressort de la jurisprudence que le juge doit pouvoir examiner « l’ensemble de leurs prétentions réciproques ayant une origine commune ». Dans cette espèce, le licenciement et les demandes de remboursement reposent sur les mêmes faits disciplinaires reprochés au travailleur lors de son détachement. La Cour affirme que « une telle origine commune […] peut se trouver dans un contrat ou […] dans une situation factuelle ».

B. L’indifférence du moment de l’acquisition de la créance litigieuse

L’employeur a acquis les créances litigieuses par un contrat de cession conclu après que le salarié a introduit son action devant le juge italien. La Cour estime toutefois que la date de cette acquisition ne saurait remettre en cause la compétence de la juridiction déjà saisie. Puisque l’employeur ne connaît pas à l’avance le tribunal choisi par le travailleur, il ne peut anticiper la cession de ladite créance. Le règlement n° 44/2001 confère donc à l’employeur le droit d’introduire une demande reconventionnelle même si la cession est postérieure à l’action.

II. La conciliation de la protection du salarié avec les impératifs de bonne administration de la justice

A. Le respect du choix du for par la partie contractante faible

Le règlement européen vise prioritairement à protéger la partie contractante la plus faible par des règles de compétence qui lui sont favorables. Le travailleur dispose de la faculté d’attraire son employeur devant le tribunal du lieu où il accomplit habituellement son travail quotidien. En l’espèce, le salarié a librement choisi de saisir les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel l’employeur possède son domicile. Tant que ce choix initial est respecté, l’objectif de protection du travailleur est atteint malgré l’examen d’une demande reconventionnelle de l’employeur.

B. La prévention efficace des procédures multiples et superflues

La Cour privilégie un objectif de bonne administration de la justice afin d’éviter la multiplication de procédures parallèles devant des juridictions nationales différentes. La réunion des demandes réciproques devant un juge unique assure une cohérence décisionnelle et réduit les coûts économiques pour les parties au litige. Les juges précisent que « le recours, par le travailleur, aux règles de compétence […] ne doit pas porter atteinte au droit » de reconvention. Cette solution garantit un équilibre procédural efficace sans dénaturer le régime spécial instauré par les dispositions du règlement en faveur du salarié.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture