La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 juin 2018, une décision fondamentale relative à la légalité de la réserve de stabilité du marché. Cet arrêt tranche la question de la base juridique applicable aux mesures de correction du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Un État membre a sollicité l’annulation de la décision du 6 octobre 2015 au motif que son adoption aurait dû suivre une procédure législative spéciale. Le requérant soutenait que la mesure affectait sensiblement son bouquet énergétique national en raison de sa dépendance historique aux combustibles fossiles. Il invoquait également une méconnaissance des orientations du Conseil européen et une atteinte à la confiance légitime des opérateurs économiques. Les institutions défenderesses maintenaient que l’objectif premier restait environnemental et que le législateur conservait son autonomie de décision. Le litige portait sur la délimitation entre la compétence environnementale de droit commun et l’exception de l’unanimité pour les choix énergétiques nationaux. La Cour a rejeté le recours en confirmant la validité de la procédure législative ordinaire employée pour l’adoption de cet acte.
**I. La confirmation de la base juridique environnementale du mécanisme de réserve**
Le juge de l’Union valide le recours à l’article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour fonder la réserve de stabilité.
**A. Le primat de l’objectif environnemental sur les effets énergétiques indirects**
La Cour rappelle que le choix de la base juridique dépend de l’objectif et du contenu de l’acte, et non de ses effets secondaires. Elle précise que l’article dérogatoire n’est applicable que si « le résultat premier recherché par cet acte consiste à affecter sensiblement le choix d’un État membre ». En l’espèce, la mesure vise à corriger un « déséquilibre structurel » du marché des quotas pour garantir son efficacité environnementale globale. L’impact sur les prix du carbone ne constitue qu’une conséquence indirecte du lien étroit avec la directive initiale sur les quotas d’émission.
**B. L’interprétation stricte de l’exception de l’unanimité en matière énergétique**
L’exigence d’unanimité prévue pour les mesures affectant la structure de l’approvisionnement énergétique d’un État constitue une exception au principe majoritaire. Le juge souligne qu’une « interprétation large de l’article 192 […] risquerait d’avoir pour effet d’ériger en règle le recours à une procédure législative spéciale ». Les dispositions dérogatoires doivent être interprétées de manière restrictive afin de ne pas vider de sa substance la compétence environnementale partagée de l’Union. La stabilisation du marché carbone relève ainsi de la politique environnementale générale malgré ses répercussions économiques inévitables sur le secteur de l’énergie.
**II. La préservation de l’équilibre institutionnel et de la sécurité juridique**
L’arrêt garantit l’indépendance du pouvoir législatif tout en encadrant les attentes légitimes des acteurs économiques face aux réformes climatiques nécessaires.
**A. L’autonomie du pouvoir législatif face aux orientations du Conseil européen**
Le requérant alléguait que le législateur avait empiété sur les prérogatives du Conseil européen en avançant la date de mise en œuvre du mécanisme. La Cour rétorque que le Conseil européen « n’exerce pas de fonction législative » et définit seulement des priorités politiques générales. Reconnaître une force contraignante absolue aux conclusions de cet organe porterait atteinte au principe d’équilibre institutionnel et d’attribution des pouvoirs. Le Parlement et le Conseil conservent la maîtrise du calendrier législatif pour assurer la réalisation des objectifs climatiques de l’Union.
**B. L’absence d’espérances fondées face à l’évolution nécessaire du marché du carbone**
Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime n’interdisent pas l’adaptation des règles en fonction de l’expérience acquise. Le juge considère qu’aucun opérateur prudent ne pouvait s’attendre au maintien d’un cadre législatif manifestement inefficace pour réduire les émissions polluantes. Il affirme qu’aucune assurance n’a été donnée aux acteurs du marché « selon laquelle le fonctionnement du système […] devrait rester inchangé ». Le large pouvoir d’appréciation du législateur permet de réformer un outil complexe dont le dysfonctionnement structurel était connu du public.