Cour de justice de l’Union européenne, le 21 mai 2015, n°C-53/14

La Cour de justice de l’Union européenne, en sa sixième chambre, a rendu le 6 octobre 2015 une décision relative à la remise des droits. Elle tranche la question de l’existence d’une situation particulière justifiant cette remise de dette douanière. Un opérateur économique a importé des marchandises étrangères en utilisant un système frauduleux basé sur une double facturation. Les autorités nationales ont accordé des autorisations d’importation en franchise de taxe sur la valeur ajoutée sans effectuer de contrôle préalable suffisant. L’administration de l’Union a refusé la demande de remise des droits, décision ultérieurement confirmée par le Tribunal de l’Union européenne. La cour d’appel d’Aix-en-Provence avait pourtant relevé un manquement des services fiscaux nationaux lors de la délivrance des autorisations d’importation litigieuses. La société requérante a formé un pourvoi devant la juridiction supérieure pour contester cette appréciation des faits et du droit. Elle soutient que les manquements administratifs créent une situation exceptionnelle et que le Tribunal a indûment inversé la charge de la preuve. La Cour doit déterminer si un manquement fiscal peut constituer une situation particulière au sens du code des douanes communautaire. Elle rejette le pourvoi en confirmant la distinction entre les types de fraudes et en rappelant les règles de preuve. Le commentaire examinera d’abord l’autonomie de l’appréciation de la situation particulière avant d’analyser le régime de la preuve.

**I. L’autonomie de l’appréciation de la situation particulière**

*A. L’imperméabilité des fraudes fiscale et douanière*

La Cour valide la distinction opérée entre les mécanismes de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et ceux relatifs aux douanes. Elle rappelle que « la fraude à la TVA et la fraude douanière sont distinctes dans leurs mécanismes et dans leurs modalités de fonctionnement ». Cette séparation structurelle empêche l’opérateur de se prévaloir d’une défaillance administrative fiscale pour justifier un allègement de sa dette douanière. Le manquement d’une administration en matière de législation fiscale ne peut être « invoqué comme élément constitutif d’une situation particulière ». Le juge souligne que le système de double facturation peut fonctionner indépendamment de toute irrégularité relative à la taxe intérieure. La décision circonscrit ainsi strictement la notion de situation particulière aux seuls événements ayant un lien direct avec l’opération douanière.

*B. L’irrecevabilité du contrôle des faits en instance de pourvoi*

L’examen du pourvoi est limité aux seules questions de droit, excluant toute nouvelle appréciation des éléments factuels par le juge. La Cour précise que le Tribunal demeure « seul compétent, d’une part, pour constater les faits (…) et, d’autre part, pour apprécier ces faits ». La requérante ne peut pas demander une relecture des circonstances de l’espèce sans démontrer une dénaturation manifeste des preuves. L’appréciation des chevauchements entre les différents contrôles administratifs relève exclusivement du pouvoir souverain des juges du premier degré de juridiction. À défaut de preuve d’une inexactitude matérielle, l’argumentation tendant à remettre en cause les constatations factuelles est jugée irrecevable. Cette solution renforce la sécurité juridique en stabilisant les faits établis lors de la phase d’instruction devant le Tribunal.

**II. La confirmation du régime de la preuve**

*A. La pesée de la charge probatoire sur le redevable*

Le juge communautaire réaffirme que la charge de la preuve de l’existence d’une situation exceptionnelle incombe à la partie demanderesse. Il appartient au redevable d’établir précisément qu’une application rigoureuse de la réglementation « aurait permis d’empêcher la fraude douanière de se développer ». Cette obligation probatoire ne saurait être transférée à l’administration sous prétexte qu’elle concerne la finalité des procédures administratives. La simple affirmation d’une impossibilité pour un opérateur privé d’apporter cette preuve est jugée insuffisante par la juridiction supérieure. Le Tribunal n’a donc pas inversé la charge de la preuve en exigeant des démonstrations concrètes de la part de l’importateur. La rigueur de ce régime probatoire protège les intérêts financiers de l’Union contre les demandes de remise non étayées.

*B. L’exigence de précision dans l’argumentation juridique*

La recevabilité d’un moyen de pourvoi est conditionnée par la clarté et la précision des arguments juridiques soulevés. Le pourvoi doit indiquer « de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ». Une simple affirmation sans explication juridique circonstanciée ne permet pas à la Cour d’exercer son contrôle de légalité. En l’espèce, la société n’a pas réussi à expliquer comment le déroulement de la procédure fiscale aurait empêché la fraude douanière. Les critiques vagues ou générales sont systématiquement rejetées car elles ne répondent pas aux exigences procédurales de la juridiction suprême. Cette exigence de formalisme garantit une administration de la justice efficace et une réponse ciblée sur les erreurs de droit potentielles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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