La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 mars 2024, une décision précisant les modalités de remboursement des billets d’avion après une annulation. Cette affaire concerne l’interprétation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004 relatif au droit au remboursement sous forme de bons de voyage. Un passager a réservé le 1er juillet 2020 un vol entre le Brésil et l’Allemagne qui a été annulé par le transporteur aérien effectif. Le voyageur a accepté, le 4 juin 2020, un remboursement par bon de voyage via un formulaire en ligne disponible sur le site internet du transporteur. Ayant reçu un bon majoré d’un supplément, le passager a cédé ses droits le 30 juillet 2020 à une société spécialisée dans le recouvrement. Le cessionnaire a sollicité le remboursement en argent auprès du transporteur, lequel a opposé l’extinction des droits du passager par l’acceptation du bon. La juridiction de première instance a rejeté la demande du cessionnaire, validant ainsi la substitution du mode de remboursement initial par le bon de voyage. Saisi en appel, le Landgericht Frankfurt am Main a décidé le 2 janvier 2023 de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice. Le litige porte sur la notion d’accord signé du passager lorsque le remboursement en argent est soumis à des démarches supplémentaires auprès du service clientèle. La Cour décide que l’accord est réputé donné si le passager a pu effectuer un choix efficace et éclairé grâce à une information claire. L’analyse de cette solution invite à examiner la subsidiarité du remboursement par bons avant d’étudier l’assouplissement des formes de l’accord dans l’environnement numérique.
I. La confirmation du caractère subsidiaire du remboursement par bons de voyage
A. La primauté du remboursement monétaire comme standard de protection L’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004 établit que le remboursement du billet s’effectue principalement sous la forme d’une somme d’argent versée au passager. La Cour souligne que le remboursement sous forme de bons de voyage constitue une « modalité subsidiaire de remboursement » subordonnée à une condition de forme stricte. Cette hiérarchie entre les modes de paiement vise à garantir un niveau élevé de protection aux consommateurs subissant les désagréments sérieux d’une annulation de vol. Le législateur européen entend ainsi protéger les passagers contre des choix hâtifs ou des pratiques commerciales favorisant systématiquement les intérêts financiers des transporteurs aériens. L’exigence d’un accord spécifique marque la volonté de préserver la liberté du passager de disposer immédiatement d’une somme liquide pour organiser son réacheminement éventuel.
B. La définition de l’accord signé par le prisme du consentement éclairé La Cour interprète la notion d’accord signé en privilégiant une approche téléologique qui met l’accent sur le caractère libre et éclairé du consentement du passager. Cette interprétation repose sur le devoir d’information incombant au transporteur, lequel doit permettre au passager d’effectuer un « choix efficace et informé » sur ses droits. Le juge européen précise que les passagers doivent être « pleinement informés de leurs droits afin d’être en mesure d’exercer efficacement ces droits ». L’absence d’une information complète et loyale sur les différentes modalités de remboursement disponibles empêche ainsi la formation d’un accord valable au sens du règlement. La valeur de cette solution réside dans l’équilibre trouvé entre la protection rigoureuse du consommateur et la flexibilité nécessaire aux opérations commerciales des compagnies aériennes. Cependant, la validité de cette dérogation au principe du remboursement en espèces dépend intrinsèquement de la qualité du consentement exprimé par le voyageur concerné.
II. L’adaptation des exigences formelles aux impératifs de l’économie numérique
A. La validation du formulaire électronique comme modalité d’expression formelle La Cour considère que l’exigence d’un accord signé n’implique pas nécessairement l’apposition d’une signature manuscrite ou numérisée sur un document papier ou électronique. Elle estime qu’il serait « excessif mais également inapproprié » d’exclure le remboursement par bon via un formulaire rempli sur le site internet du transporteur aérien. Cette soumission à un formalisme excessif risquerait d’alourdir inutilement la gestion administrative des remboursements et de retarder le paiement effectif au détriment des passagers. L’acceptation explicite, définitive et univoque d’un bon de voyage par l’envoi d’un formulaire en ligne suffit donc à caractériser l’accord prévu par le règlement. La portée de l’arrêt valide ainsi les pratiques numériques actuelles tout en encadrant strictement les interfaces utilisateurs pour éviter toute manipulation des choix du consommateur.
B. Le renforcement de l’obligation de loyauté dans le processus d’information Le transporteur doit fournir des informations claires, complètes et loyales sans soumettre le remboursement monétaire à des étapes supplémentaires dissuasives pour le passager lésé. La Cour interdit de présenter les options de remboursement de manière ambiguë ou dans une langue que le passager ne peut pas raisonnablement maîtriser parfaitement. Toute procédure visant à « renverser le rapport entre les deux modalités de remboursement » au profit du bon de voyage est jugée contraire aux objectifs du règlement. L’arrêt souligne que la loyauté de l’information constitue le rempart essentiel contre les pratiques commerciales cherchant à restreindre indûment les droits fondamentaux des passagers aériens. Cette décision impose aux compagnies aériennes de repenser leurs interfaces numériques pour garantir une égalité de traitement entre le remboursement pécuniaire et le bon. Ainsi, la protection du consentement numérique devient le nouveau standard de référence pour apprécier la légalité des remboursements dans le secteur des transports aériens.