La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de sa dixième chambre rendu le 21 novembre 2024, se prononce sur la validité de règlements antidumping. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre une société importatrice et un prestataire de services douaniers devant les juridictions nationales. Il leur est reproché d’avoir éludé le paiement de droits lors de l’importation d’accessoires de tuyauterie en provenance de Chine entre les années 2012 et 2015. L’administration douanière nationale a considéré que les marchandises importées relevaient d’une catégorie soumise à des droits définitifs malgré leur déclaration sous une position exonérée. Après plusieurs recours, la cour d’appel d’Anvers a saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle par une décision motivée du 6 octobre 2022. La juridiction de renvoi interroge la validité des règlements au regard des conditions d’ouverture de l’enquête initiale et de la définition précise du produit concerné. Elle se demande si l’inclusion de la fonte à graphite sphéroïdal dans le champ des mesures respecte les exigences de procédure du règlement de base. La Cour conclut que l’examen de la question « n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité » des règlements provisoire et définitif contestés. L’analyse de cette validité s’appuie sur l’autonomie de la définition du produit considéré et sur la légitimité matérielle de l’extension des mesures de défense.
**I. L’autonomie de la définition du produit en droit antidumping**
La Cour rappelle que l’application des mesures de défense commerciale ne dépend pas exclusivement du classement douanier opéré au sein de la nomenclature combinée de l’Union. Elle souligne que les droits antidumping sont appliqués « le cas échéant » en fonction du classement tarifaire, conformément aux dispositions du code des douanes communautaire.
**A. La distinction entre nomenclature tarifaire et mesures de protection**
L’arrêt précise qu’une décision portant uniquement sur le classement tarifaire d’un produit ne saurait avoir une incidence automatique sur le champ d’application des règlements antidumping. La désignation d’une sous-position tarifaire dans l’avis d’ouverture d’une enquête est d’ailleurs mentionnée « à titre purement indicatif » par les services de la Commission européenne. Cette déconnexion textuelle est renforcée par l’usage des documents interprétatifs qui précisent la portée des catégories techniques employées par le législateur lors des enquêtes commerciales.
**B. La portée interprétative des notes explicatives de la nomenclature**
Durant la période d’enquête, les notes explicatives indiquaient que les termes de fonte malléable couvraient également la fonte à graphite sphéroïdal au sens de la nomenclature. La malléabilité désigne techniquement la capacité d’un matériau à se déformer sous une contrainte de compression, propriété partagée par les accessoires de tuyauterie litigieux importés de Chine. La définition retenue par l’administration lors de l’ouverture de la procédure incluait ainsi les variantes techniques présentant les caractéristiques physiques essentielles du produit visé par la plainte.
**II. La légitimité matérielle de l’inclusion de la fonte à graphite sphéroïdal**
L’intégration de cette variante de fonte repose sur une analyse concrète des propriétés du produit et sur la réalité des investigations menées par la Commission européenne. Les juges considèrent que les accessoires en cause constituent simplement une modalité technique du produit initialement visé par les producteurs de l’industrie de l’Union européenne.
**A. L’équivalence des caractéristiques physiques et l’interchangeabilité des produits**
Les accessoires de tuyauterie filetés présentent les mêmes caractéristiques physiques essentielles, qu’ils soient constitués de fonte malléable ou de fonte à graphite sphéroïdal de type ductile. Ces marchandises sont « fondamentalement destinés aux mêmes usages et sont interchangeables » sur le marché européen, justifiant partant une soumission identique aux taxes de protection commerciale. L’identité des fonctions techniques remplies par ces différents types de fonte permet de traiter ces produits comme « similaires au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base ».
**B. La validité de l’enquête administrative au regard du règlement de base**
La prémisse d’une absence d’enquête sur la fonte à graphite sphéroïdal est jugée erronée puisque ces produits relevaient de la définition globale du produit considéré par l’avis. Les données recueillies lors de la procédure initiale concernaient donc valablement l’ensemble des variantes techniques partageant des propriétés physiques et techniques strictement identiques selon l’examen préalable. L’institution des droits définitifs ne méconnaît toutefois pas le règlement de base car les opérateurs disposaient de possibilités adéquates pour formuler des observations durant toute l’enquête.