La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2025, une décision précisant les conditions d’exercice du droit au remboursement de la taxe. Un assujetti établi dans un État membre différent de celui du remboursement sollicitait la restitution de la taxe ayant grevé l’acquisition de divers biens. L’administration fiscale avait initialement rejeté cette demande en raison de l’absence de documents conformes ou de décalages temporels entre l’exigibilité et la facturation. Saisie d’un recours, la juridiction nationale a interrogé la Cour sur l’interprétation des directives concernant le rôle de la facture dans ce processus. La question posée portait sur la nature impérative de la facture et l’incidence d’une modification unilatérale après une décision de rejet devenue définitive. La Cour affirme que la détention d’une facture est indispensable pour fonder le droit au remboursement, tout en limitant la rigueur des administrations nationales.
**I. La facture comme condition formelle et substantielle du droit au remboursement**
**A. L’exigence impérative d’un support documentaire**
La Cour rappelle que l’exercice du droit au remboursement suppose la détention d’un document justificatif précis pour garantir le contrôle des opérations taxables. Elle énonce que « le droit au remboursement […] ne peut pas être exercé par un assujetti […] si cet assujetti ne détient pas une facture ». Cette exigence assure la sécurité juridique et permet la vérification de la taxe par les autorités fiscales compétentes du pays concerné. La facture constitue donc le socle indispensable sur lequel repose toute demande de restitution de la taxe versée lors d’une acquisition commerciale.
**B. La tempérance du formalisme par la disponibilité des données**
Cependant, ce formalisme n’est pas absolu et doit s’effacer devant la réalité des informations transmises à l’administration pour valider la réalité de l’opération. La décision précise qu’un document ne perd sa qualité de facture que s’il est « entaché de vices tels qu’ils privent l’administration fiscale nationale des données nécessaires ». La substance des données transmises l’emporte alors sur la forme rigide du support présenté par l’assujetti pour justifier ses droits à déduction. Le juge européen cherche ici un équilibre entre la lutte contre la fraude et le respect du principe fondamental de neutralité de la taxe.
**II. La stabilité temporelle et procédurale de la créance fiscale**
**A. La prééminence de la période de facturation sur l’exigibilité**
La juridiction européenne clarifie ensuite le lien entre le moment de l’exigibilité de la taxe et celui de sa récupération effective par l’assujetti communautaire. Elle s’oppose à ce qu’une demande soit rejetée « au seul motif que cette TVA est devenue exigible au cours d’une période du remboursement antérieure ». La date de facturation prime ainsi sur le moment où la taxe est devenue techniquement due par le fournisseur auprès du Trésor public. Cette solution protège l’assujetti contre les éventuels retards de facturation ou les erreurs administratives qui resteraient totalement indépendants de sa propre volonté.
**B. L’indifférence des rectifications postérieures aux décisions définitives**
Enfin, la Cour consacre l’intangibilité des situations juridiques consolidées par une décision administrative n’ayant pas fait l’objet d’un recours dans les délais impartis. L’annulation unilatérale d’une facture par le vendeur « n’a aucune incidence sur l’existence du droit au remboursement de la TVA qui a déjà été exercé ». Une nouvelle facturation ultérieure ne permet pas de remettre en cause le cadre temporel d’une demande de remboursement ayant déjà été définitivement tranchée. La sécurité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée impose cette fixité nécessaire des droits régulièrement acquis ou légitimement refusés.