Par un arrêt du 21 septembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne précise l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée bénéficiant aux groupements autonomes.
Un groupe actif dans les services d’assurance envisage de créer des centres de services partagés au sein de plusieurs États membres pour rationaliser ses coûts. Une société sollicite l’administration fiscale nationale afin de confirmer que l’activité d’un groupement européen d’intérêt économique peut bénéficier de l’exonération prévue par le droit interne. L’autorité administrative rejette cette demande au motif que l’exonération placerait le groupement dans une position privilégiée par rapport aux concurrents opérant sur le même marché. Le tribunal administratif de voïvodie de Varsovie annule cette décision le 30 décembre 2013, considérant que les conditions de distorsion de concurrence ne sont pas réunies. Saisie en cassation, la Cour suprême administrative de Pologne décide de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur les critères d’appréciation du risque de concurrence.
La question posée consiste à savoir si l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée s’applique aux services rendus par un groupement dont les membres exercent des activités d’assurance. La Cour répond par la négative, affirmant que cette disposition ne vise que les groupements dont les membres exercent une activité d’intérêt général mentionnée par la directive. Cette décision conduit à analyser l’interprétation téléologique de l’exonération avant d’en mesurer les conséquences temporelles pour les assujettis.
I. Une interprétation téléologique fondée sur la nature de l’activité
A. La primauté du critère de l’intérêt général
La Cour souligne que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union exige de tenir compte de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation. L’article concerné figure au sein d’un chapitre intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », ce qui délimite strictement le champ d’application de la mesure. La juridiction énonce que « l’intitulé indique que l’exonération prévue à ladite disposition ne vise que les groupements dont les membres exercent des activités d’intérêt général ». Le juge européen refuse ainsi de s’en tenir aux seuls termes de l’article, préférant une approche systématique qui lie l’exonération à la finalité sociale de l’activité.
B. L’exclusion manifeste du secteur de l’assurance
La directive opère une distinction nette entre les activités d’intérêt général et les autres activités exonérées, telles que les opérations d’assurance et de réassurance. La Cour précise que les prestations contribuant à l’exercice d’activités ne relevant pas de l’intérêt général ne sauraient bénéficier de ce régime de faveur spécifique. L’économie générale impose que « les services fournis par des groupements dont les membres sont actifs dans le domaine des assurances ne relèvent pas de cette exonération ». Cette solution garantit une interprétation stricte des dérogations au principe de perception de la taxe sur chaque prestation effectuée à titre onéreux par un assujetti.
II. Un encadrement rigoureux des effets de la solution juridique
A. La remise en cause des pratiques nationales antérieures
La Cour admet que son interprétation s’écarte de la lecture faite par certains États membres, lesquels exonéraient jusqu’alors les groupements constitués par des compagnies d’assurance. Ce revirement de perspective pourrait fragiliser les structures de services partagés mises en place par de nombreux acteurs économiques du secteur financier au sein du marché intérieur. Toutefois, la juridiction rappelle que l’objectif de la règle est d’éviter les surcoûts pour les seules activités sociales, éducatives ou médicales expressément visées par le législateur européen.
B. La préservation de la sécurité juridique des assujettis
Le juge européen limite l’impact de sa décision en interdisant aux autorités nationales de rouvrir des périodes fiscales définitivement clôturées sur le seul fondement de cet arrêt. Le principe de sécurité juridique s’oppose à ce qu’une interprétation nouvelle serve de fondement à une remise en cause rétroactive des situations juridiques acquises par les contribuables. Enfin, la Cour précise qu’une directive ne peut pas créer d’obligations par elle-même à l’égard d’un particulier sans une transposition correcte et fidèle en droit interne. Cette protection des assujettis tempère la rigueur de la solution retenue, tout en assurant une application uniforme et cohérente du système commun de taxe sur la valeur ajoutée.