La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 9 septembre 2015, un arrêt essentiel relatif à la responsabilité non contractuelle des institutions. Le litige portait sur l’inaction prolongée de l’administration face à une mesure nationale interdisant la commercialisation d’un dispositif médical jugé non conforme. Le requérant reprochait aux services compétents de n’avoir jamais statué sur la validité de cette interdiction malgré les obligations impératives prescrites par la directive 93/42. Le Tribunal de l’Union européenne avait initialement rejeté la demande indemnitaire le 20 janvier 2014 dans le cadre de l’affaire référencée T-309/10. Saisie d’un pourvoi, la juridiction suprême devait déterminer si cette carence administrative caractérisait une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit européenne. La Cour annule partiellement la décision attaquée et renvoie l’examen du préjudice subi depuis le 15 septembre 2006 devant les premiers juges. Cette solution repose sur une distinction stricte entre le pouvoir d’appréciation technique et les obligations procédurales impératives incombant aux institutions de l’Union.
**I. L’affirmation d’une violation caractérisée des obligations procédurales**
La Cour souligne que le silence persistant de l’institution constitue un manquement flagrant aux dispositions impératives prévues par la clause de sauvegarde communautaire.
**A. Le constat d’une compétence liée dans la mise en œuvre de la clause de sauvegarde**
Le juge de l’Union rappelle que la procédure de sauvegarde exige une réaction diligente pour garantir la libre circulation des marchandises au sein du marché. L’institution dispose d’une compétence liée pour examiner la mesure nationale et doit informer sans aucun délai les États membres de ses conclusions définitives. En l’espèce, l’absence totale de décision pendant plusieurs années prive l’opérateur économique de toute protection juridique efficace contre une restriction commerciale arbitraire. La Cour précise que « le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission ne se trouvait pas dans une situation de compétence liée ». Cette erreur d’interprétation a conduit à occulter le caractère impératif des délais de procédure indispensables à la sécurité des entreprises privées.
**B. La qualification de l’inaction administrative comme faute engageant la responsabilité**
L’engagement de la responsabilité suppose que la règle de droit méconnue ait pour objet de conférer des droits spécifiques aux particuliers lésés par l’administration. Les dispositions de la directive visent précisément à protéger les fabricants contre des mesures nationales injustifiées affectant gravement leurs intérêts commerciaux légitimes. La juridiction affirme que l’omission persistante de statuer « constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit » dès lors que l’institution ne disposait d’aucune marge d’appréciation. Cette qualification juridique est fondamentale car elle permet d’écarter l’exigence d’une intention malveillante ou d’une négligence grossière dans l’exercice des missions publiques. L’automatisme de la procédure garantit ainsi une meilleure protection du marché intérieur tout en encadrant strictement les prérogatives des instances exécutives européennes.
**II. Les conséquences juridiques et l’encadrement de l’indemnisation**
L’annulation partielle de la décision initiale témoigne d’une volonté de protéger les droits individuels tout en respectant les principes classiques du contentieux administratif.
**A. La censure de l’interprétation restrictive retenue en première instance**
La Cour censure le raisonnement des premiers juges qui avaient indûment élargi la discrétion administrative au-delà des nécessités techniques de l’examen du produit. En annulant le rejet du recours pour la période postérieure au 15 septembre 2006, elle rétablit la primauté effective du droit au juge. Elle souligne explicitement que « le Tribunal n’a pas tiré les conséquences juridiques découlant du constat » d’une violation manifeste de l’obligation de communication officielle. Cette décision impose désormais une rigueur accrue dans le suivi des dossiers sensibles touchant à la santé publique et à la liberté d’entreprise. La protection des intérêts financiers des citoyens devient un corollaire direct du respect des formes substantielles par les organes de l’Union européenne.
**B. Le maintien de conditions cumulatives strictes pour la réparation du préjudice**
Le renvoi de l’affaire devant le Tribunal oblige ce dernier à réexaminer l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute et le dommage. Bien que la violation soit établie, le requérant doit encore démontrer que son préjudice découle exclusivement de l’inaction administrative constatée par la Cour. La persistance du rejet du pourvoi pour le surplus indique que la responsabilité de l’Union demeure soumise à des conditions de preuve exigeantes. Le juge rappelle ainsi que la réparation intégrale ne saurait être accordée sans une démonstration certaine de la réalité des pertes financières invoquées. Ce renvoi souligne la complexité de l’évaluation comptable des dommages économiques résultant d’une exclusion prolongée d’un marché national hautement régulé.