Cour de justice de l’Union européenne, le 22 avril 2021, n°C-572/18

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 12 mai 2021, précise la portée des actes préparatoires au sein du droit douanier. Deux sociétés spécialisées dans la production d’acier ont contesté la validité de conclusions émises par l’institution européenne relatives au régime du perfectionnement actif. Cette analyse technique, sollicitée par une administration nationale, portait sur la réunion des conditions économiques nécessaires à la transformation de marchandises importées. Saisi d’un recours en annulation, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté la requête comme irrecevable par une ordonnance du 2 juillet 2018. Les requérantes ont formé un pourvoi en soutenant que les conclusions litigieuses modifiaient de façon caractérisée leur situation juridique personnelle. Le litige repose sur la question de savoir si une conclusion technique intermédiaire constitue un acte attaquable au sens du recours en annulation. La Cour de justice écarte l’existence d’effets de droit obligatoires pour souligner la nature préparatoire de l’acte contesté. Le raisonnement de la juridiction s’articule autour de la qualification juridique de l’acte de l’institution avant d’examiner la cohérence du système de protection juridictionnelle.

I. La qualification juridique de l’acte de l’institution européenne

A. Un acte préparatoire dépourvu de portée décisoire

La Cour rappelle que sont considérés comme des actes attaquables les dispositions produisant des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts. En l’espèce, les conclusions relatives aux conditions économiques s’insèrent dans une procédure nationale où l’administration de l’État conserve le pouvoir décisionnel final. L’article 5 du code des douanes précise que « ce sont les autorités douanières nationales qui détiennent le pouvoir d’adopter des actes de nature décisoire ». La démarche de l’institution européenne constitue donc une simple étape intermédiaire destinée à éclairer l’autorité compétente sans modifier sa compétence propre. L’acte contesté ne constitue pas le terme ultime d’une procédure autonome mais une mesure préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un recours direct.

B. Une marge d’appréciation préservée pour l’autorité nationale

Le règlement d’exécution stipule que les conclusions doivent être prises en considération par l’autorité douanière traitant de la demande d’autorisation. La Cour interprète cette formule comme suggérant « une certaine marge d’appréciation dans le chef de l’autorité douanière compétente quant à la manière de donner suite ». L’obligation de motiver une éventuelle décision divergente corrobore l’absence d’effet contraignant immédiat des conclusions techniques transmises par les services européens. Bien que l’administration nationale se soit crue liée par cet avis, cette circonstance factuelle ne saurait conférer à l’acte une force obligatoire juridique. L’absence de portée décisoire de l’acte litigieux découle directement de son insertion dans une procédure administrative complexe dirigée par les autorités nationales.

II. La détermination de la voie de recours appropriée

A. L’identification de l’auteur de la décision finale

Le code des douanes confie explicitement le pouvoir de délivrer les autorisations de perfectionnement actif aux seules autorités douanières de chaque État membre. Aucun pouvoir décisionnel propre n’est attribué à une entité de l’Union européenne pour statuer de manière définitive sur les intérêts des opérateurs. La Cour souligne que l’examen au niveau de l’Union « constitue seulement une étape intermédiaire » avant l’adoption de la décision par l’administration locale. L’acte émis par l’institution européenne ne contient d’ailleurs aucune mention relative aux voies de recours ni aucune notification obligatoire envers le demandeur. La responsabilité juridique de la décision finale repose donc exclusivement sur l’autorité nationale qui notifie l’octroi ou le refus de l’autorisation sollicitée.

B. Le renvoi nécessaire devant le juge national

Les illégalités entachant les actes préparatoires peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours dirigé contre la décision administrative finale et définitive. Le droit européen prévoit que le recours contre les décisions relatives à la législation douanière doit être introduit dans l’État membre concerné. Les juridictions nationales sont donc seules compétentes pour contrôler la légalité de l’autorisation et, par voie de conséquence, la validité des avis préalables. Cette architecture juridictionnelle assure une protection complète des droits des producteurs tout en respectant l’autonomie procédurale des administrations des différents pays membres. Le rejet du recours devant les juges de l’Union ne prive pas les requérantes d’un contrôle effectif sur la régularité de la procédure.

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Hassan KOHEN
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