Cour de justice de l’Union européenne, le 22 décembre 2022, n°C-125/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 décembre 2022, un arrêt majeur concernant le manquement d’un État membre aux normes environnementales. Les rapports annuels transmis par les autorités nationales ont révélé des dépassements réguliers des valeurs limites de dioxyde d’azote entre 2010 et 2018. L’institution requérante a introduit un recours en manquement après avoir adressé une mise en demeure puis un avis motivé restés sans effets probants. Les autorités défenderesses ont soutenu que la pollution présentait une tendance à la baisse et que les mesures adoptées étaient proportionnées aux enjeux. La juridiction devait déterminer si la persistance de cette pollution atmosphérique et l’insuffisance des plans d’action constituaient une violation du droit de l’Union. La Cour a jugé que le seul dépassement objectif des seuils suffit à établir l’infraction, rejetant ainsi les justifications techniques ou économiques avancées. Cette étude analysera la constatation objective d’un manquement systématique (I) avant d’aborder l’insuffisance caractérisée des mesures de remédiation mises en œuvre (II).

I. La constatation objective d’un manquement systématique aux seuils de pollution

A. Le caractère automatique de la violation des valeurs limites

La juridiction rappelle que le dépassement des valeurs limites fixées pour les polluants suffit en lui-même pour pouvoir constater un manquement aux obligations communautaires. L’analyse de la Cour repose sur une constatation purement objective du non-respect des normes de qualité de l’air imposées par le droit dérivé européen. L’État membre ne saurait invoquer une absence d’intentionnalité dès lors que les relevés scientifiques attestent d’une concentration excessive de gaz toxiques durant plusieurs années. La solution souligne que « le fait de dépasser les valeurs limites fixées par la directive 2008/50 pour les polluants dans l’air ambiant suffit en lui-même ».

Cette rigueur dans l’appréciation des seuils se double d’un rejet strict des arguments géographiques soulevés par la défense lors de l’instance judiciaire.

B. L’indifférence de l’ampleur géographique et des tendances à la baisse

Le juge européen refuse d’appliquer un seuil de minimis concernant le nombre de zones dans lesquelles un dépassement des valeurs limites est constaté. L’argument selon lequel seule une faible partie du territoire national serait touchée par la pollution ne permet pas d’écarter la responsabilité de l’État. La Cour précise que le manquement peut demeurer systématique « en dépit d’une éventuelle tendance partielle à la baisse mise en évidence par les données ». L’obligation de résultat prime sur les évolutions statistiques incertaines qui n’aboutissent pas à une mise en conformité immédiate avec les normes sanitaires.

La reconnaissance de la violation des seuils de pollution conduit nécessairement la Cour à évaluer la pertinence des plans d’action élaborés par les autorités.

II. L’inefficacité caractérisée des plans d’action face à l’urgence sanitaire

A. La méconnaissance de l’obligation de brièveté du dépassement

L’article 23 de la directive impose aux États de prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. La Cour constate qu’un délai de sept ans constitue une durée excessive démontrant par elle-même l’inadéquation des politiques environnementales menées par l’État membre. L’absence de plan national à la date d’expiration de l’avis motivé aggrave la situation juridique de l’autorité publique face à ses obligations sanitaires. Les juges estiment que « l’État membre n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces » pour réduire rapidement la durée des infractions.

Cette insuffisance administrative se trouve renforcée par le refus catégorique du juge d’admettre des circonstances atténuantes liées aux contraintes matérielles ou financières.

B. Le rejet des justifications structurelles et des contraintes économiques

Les difficultés liées à l’enjeu socio-économique ou budgétaire d’investissements d’envergure ne sauraient justifier un dépassement prolongé des normes de qualité de l’air. La protection de la santé humaine et de l’environnement constitue un objectif prioritaire qui limite strictement la marge de manœuvre des autorités nationales. La juridiction écarte les arguments relatifs à l’inefficacité des normes européennes de réception des véhicules pour expliquer les taux de pollution urbaine enregistrés. La responsabilité de l’État demeure entière dès lors que les mesures adoptées ne garantissent pas un retour rapide sous les plafonds de pollution autorisés.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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