Cour de justice de l’Union européenne, le 22 décembre 2022, n°C-383/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 22 décembre 2022, précise le régime des exceptions aux procédures de passation. Le litige opposait des personnes morales de droit public au sujet de l’attribution directe de contrats, malgré la non-transposition de la directive 2014/24/UE. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur l’effet direct des dispositions sectorielles et sur les critères permettant de caractériser un contrôle conjoint. Elle sollicitait aussi une interprétation des conditions de la coopération horizontale, notamment quant au partage d’objectifs communs par toutes les parties prenantes. La Cour affirme l’invocabilité directe de l’article 12 et définit strictement les exigences de représentation organique avant d’étudier le cadre de la coopération contractuelle.

I. La consécration de l’invocabilité directe et la rigueur du contrôle organique

L’examen de l’effet direct des dispositions européennes précède l’analyse des critères relatifs à la structure des organes décisionnels de la personne morale attributaire.

A. L’effet direct des critères d’exclusion des marchés publics

La Cour juge que l’article 12 de la directive 2014/24/UE « produit des effets directs dans le cadre de litiges opposant des personnes morales de droit public ». Cette solution s’applique lorsque l’État membre a omis de transposer le texte dans les délais impartis par les autorités de l’Union. Les dispositions sont jugées suffisamment précises pour être invoquées par des entités publiques contre d’autres organismes de même nature juridique. Cette reconnaissance garantit le respect des principes de transparence, même en l’absence de mesures nationales de réception de la norme européenne.

B. La spécification des conditions de la représentation décisionnelle

Le contrôle analogue conjoint suppose que les pouvoirs adjudicateurs participent effectivement aux décisions stratégiques de la personne morale faisant l’objet de l’attribution. L’exigence de représentation « n’est pas satisfaite au seul motif que siège au conseil d’administration le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur ». La Cour refuse une conception purement formelle de la participation aux organes de direction de la structure faisant l’objet du contrôle. La reconnaissance d’un contrôle conjoint rigoureux conduit alors à examiner les limites du régime dérogatoire propre à la coopération entre autorités publiques.

II. La définition étroite du cadre de la coopération entre pouvoirs adjudicateurs

L’admission d’une coopération horizontale repose sur le partage réel d’objectifs de service public et sur l’exclusion des prestations de nature purement unilatérale.

A. L’exigence impérative d’une communauté d’objectifs de service public

La coopération prévue à l’article 12 exige que les missions confiées s’inscrivent dans une démarche de collaboration mutuelle entre les partenaires publics. Le marché n’est pas exclu du champ d’application lorsque le prestataire « ne cherche pas à atteindre des objectifs qu’il partagerait avec les autres ». Cette précision souligne que la simple exécution de tâches pour le compte d’autrui ne suffit pas à caractériser une coopération publique authentique. Le partage de buts identiques constitue le critère central permettant de déroger aux obligations habituelles de mise en concurrence.

B. L’exclusion des prestations unilatérales du régime dérogatoire

L’arrêt sanctionne les montages où une entité se limite « à contribuer à la réalisation d’objectifs que seuls ces autres pouvoirs adjudicateurs ont en commun ». Une telle configuration s’apparente à une prestation de services classique dont l’attribution directe fausserait le libre jeu de la concurrence. La Cour protège l’effet utile du droit de la commande publique en limitant les exceptions aux relations de véritable partenariat technique. Cette jurisprudence confirme la volonté du juge européen de maintenir une interprétation stricte des exemptions prévues par le législateur.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture