Cour de justice de l’Union européenne, le 22 décembre 2022, n°C-392/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 22 décembre 2022, définit le régime juridique des dispositifs de correction visuelle. Cette décision précise les modalités d’application de la directive relative aux prescriptions minimales de sécurité et de santé pour le travail sur écran. Dans cette affaire, un agent administratif a sollicité le remboursement intégral de ses lunettes de vue prescrites à la suite d’une dégradation visuelle. L’employeur a refusé d’honorer cette demande au motif que l’équipement ne présentait pas un caractère spécial au sens de la législation. Le tribunal de Cluj a d’abord rejeté la demande d’indemnisation formée par l’agent contre son administration lors de la première instance. La Cour d’appel de Cluj a ensuite rendu un arrêt le 24 juin 2021 pour solliciter l’interprétation préjudicielle de la Cour de justice. La question posée visait à déterminer si les lunettes classiques entrent dans cette catégorie et comment l’employeur doit légalement s’acquitter de son obligation. La Cour affirme que les lunettes de vue spécifiques sont incluses, même si elles servent également dans la vie privée du travailleur concerné. Elle ajoute que le financement peut s’opérer par fourniture directe ou par remboursement, à l’exclusion formelle de toute prime de nature salariale générale. L’étude portera sur la qualification juridique des équipements de protection avant d’analyser les mécanismes de prise en charge financière imposés aux entreprises.

I. La qualification juridique extensive des dispositifs de correction spéciaux

A. L’inclusion des lunettes de vue spécifiques au travail sur écran

La Cour de justice affirme que les « dispositifs de correction spéciaux » incluent les lunettes de vue visant spécifiquement à corriger les troubles. Cette interprétation repose sur le constat d’une corrélation directe entre l’usage prolongé des écrans et la fatigue oculaire des personnels administratifs. Le juge européen écarte une définition restrictive qui aurait limité cette notion à des instruments d’optique onéreux ou à usage technique. Tout équipement permettant de prévenir une détérioration de la vue liée aux conditions de travail entre donc dans le champ de la protection. Cette solution renforce l’obligation de sécurité de résultat pesant sur les employeurs dans un environnement professionnel de plus en plus numérisé.

B. Le rejet de l’exclusivité professionnelle comme critère de spécialité

L’arrêt précise que ces équipements ne se limitent pas à des dispositifs utilisés exclusivement dans le cadre professionnel pour ouvrir ce droit. Cette précision fondamentale permet au salarié de bénéficier d’une correction efficace sans devoir changer de lunettes entre son domicile et son bureau. La juridiction reconnaît la difficulté pratique de séparer l’usage des instruments de correction selon les différentes périodes de la vie de l’agent. En privilégiant l’utilité protectrice du dispositif, la Cour assure que la santé prime sur des considérations de nature purement comptable ou administrative. La définition étant ainsi stabilisée, il convient alors d’examiner comment l’employeur doit assumer concrètement le coût de ces équipements de sécurité.

II. Le régime de financement impératif des équipements de sécurité

A. L’option entre la fourniture directe et le remboursement des frais

L’obligation de fournir un dispositif spécial peut être satisfaite par la fourniture directe dudit dispositif par l’employeur au profit de son salarié. Le droit de l’Union européenne autorise également le « remboursement des dépenses nécessaires exposées par le travailleur » pour acquérir son équipement optique. Cette dualité offre une souplesse de gestion aux organisations tout en garantissant que le coût n’est jamais supporté par le travailleur protégé. L’employeur conserve le choix du mode d’exécution, mais il doit s’assurer que l’équipement choisi répond aux préconisations de l’examen ophtalmologique préalable. Cette liberté organisationnelle trouve toutefois une limite majeure dans la forme que doit prendre le transfert financier vers l’agent bénéficiaire.

B. L’invalidité du versement d’une prime salariale globale

La Cour rejette explicitement le versement d’une prime salariale générale comme modalité valable d’exécution de l’obligation de prise en charge des frais. Un tel complément de rémunération ne garantit pas que les fonds seront réellement affectés à l’achat des lunettes indispensables à la santé. L’arrêt souligne que la protection des travailleurs exige une affectation précise et vérifiable des ressources dédiées à la sécurité au travail. Cette rigueur juridique évite que l’obligation de prévention ne soit diluée dans des avantages contractuels globaux sans lien avec le risque. La décision consacre ainsi l’autonomie du droit à la santé au travail par rapport aux éléments purement financiers de la relation contractuelle.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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