Cour de justice de l’Union européenne, le 22 février 2022, n°C-160/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 février 2022, un arrêt préjudiciel majeur relatif aux méthodes de mesure des émissions des cigarettes. Cette affaire trouve son origine dans une contestation portée devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven par une organisation de protection de la santé humaine.

Les requérants contestaient la validité du système de mesure fondé sur des normes industrielles, estimant que ces dernières ne reflétaient pas la consommation réelle des fumeurs. La juridiction néerlandaise a donc sursis à statuer pour interroger le juge de l’Union sur l’interprétation et la validité de la directive relative au tabac.

Le problème juridique repose sur le caractère impératif des normes techniques internationales et sur leur compatibilité avec les exigences de sécurité juridique et de transparence. La Cour affirme la primauté des normes prévues par le législateur européen, tout en précisant les conditions de leur opposabilité aux différents opérateurs économiques privés.

I. L’exclusivité des normes internationales pour le contrôle des émissions de tabac

A. Le caractère obligatoire du recours aux méthodes de mesure ISO

L’article 4 de la directive 2014/40 fixe un cadre technique rigoureux pour l’évaluation des substances toxiques contenues dans la fumée de cigarette mise sur le marché. La Cour interprète ce texte en précisant que « les niveaux d’émission maximaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone » doivent impérativement suivre les méthodes ISO. Cette référence textuelle exclut l’usage de protocoles alternatifs par les États membres, assurant ainsi une harmonisation complète des contrôles au sein du marché intérieur européen. Le juge de l’Union confirme que les autorités nationales ne disposent d’aucune marge de manœuvre pour déroger à ces standards techniques dans le cadre de leur mission. L’application uniforme de ces normes garantit une égalité de traitement entre les fabricants tout en facilitant la surveillance administrative des produits du tabac manufacturés.

B. La confirmation de la validité de l’encadrement technique européen

La validité de ce renvoi aux normes internationales a été examinée sous l’angle du principe de transparence et des engagements de l’Organisation mondiale de la santé. La Cour estime qu’aucun élément ne permet d’affecter la légalité de la directive au regard de la convention-cadre pour la lutte antitabac de l’organisation. L’intégration de ces standards techniques dans le droit dérivé respecte les procédures législatives de l’Union ainsi que les dispositions relatives à la sécurité juridique globale. Le recours à des méthodes élaborées par des organismes de normalisation externes est jugé compatible avec les objectifs sanitaires fixés par les traités européens fondamentaux. Cette validation confirme la cohérence du dispositif réglementaire face aux critiques portant sur l’influence potentielle de l’industrie du tabac lors de l’élaboration des mesures.

II. L’adaptation du régime juridique face aux exigences de transparence et de santé

A. L’éventuelle inopposabilité des normes techniques non publiées au Journal officiel

Un enjeu majeur concerne l’accessibilité de ces normes techniques qui ne sont pas systématiquement publiées de manière intégrale et gratuite au Journal officiel. La Cour envisage l’hypothèse où ces standards ne seraient pas opposables aux particuliers si les conditions de publicité prévues par le droit de l’Union font défaut. La sécurité juridique exige effectivement que les citoyens puissent connaître avec précision l’étendue des obligations qui leur incombent dans l’exercice de leurs activités professionnelles habituelles. Le défaut de transparence pourrait ainsi paralyser l’application forcée de ces méthodes de mesure à l’encontre des entreprises privées soumises à la réglementation sur le tabac. Cette position protège les droits de la défense et garantit que les normes techniques privées respectent les standards démocratiques de publication des actes juridiques obligatoires.

B. L’obligation d’une méthode alternative garantissant un niveau élevé de protection

En cas d’inopposabilité des normes ISO, les autorités nationales doivent recourir à une méthode d’évaluation alternative respectant strictement les finalités sanitaires de la directive européenne. Cette méthode de substitution doit être « appropriée, au regard des avancées scientifiques et techniques » afin de mesurer les émissions réellement dégagées lors de l’utilisation prévue. Le juge souligne l’importance de fonder ces mesures sur un « niveau élevé de protection de la santé humaine », avec une attention particulière portée à la jeunesse. L’exactitude des résultats obtenus doit être vérifiée par des laboratoires agréés et placés sous la surveillance constante des autorités compétentes de chaque État membre. Cette exigence assure que l’éventuelle défaillance formelle des normes internationales ne conduise pas à un abaissement des standards de protection sanitaire de la population.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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