La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 22 janvier 2015, traite de l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs migrants. Deux ressortissants helléniques s’installent en Roumanie en 1948 avec le statut de réfugiés politiques et cotisent au système public durant plusieurs décennies. Ils regagnent leur État d’origine en 1990 avant de solliciter, quelques années plus tard, la reconnaissance de leurs périodes de travail accomplies à l’étranger.
La caisse départementale de pensions rejette leurs demandes en invoquant un accord bilatéral de 1996 prévoyant l’extinction de toute obligation financière de la Roumanie. Le Tribunalul Cluj annule ces décisions en enjoignant à l’organisme de sécurité sociale d’octroyer les pensions conformément aux dispositions protectrices du règlement européen. Saisie en appel, la Curtea de Apel Cluj décide de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur l’interprétation du cadre juridique applicable.
La question centrale porte sur le maintien d’un accord bilatéral non mentionné à l’annexe III du règlement et conclu avant l’adhésion d’un État. La Cour juge que l’article 7 du règlement 1408/71 doit être interprété de manière stricte afin de garantir la substitution de la norme européenne. Cette analyse conduit à examiner d’abord la force impérative de la substitution réglementaire avant d’apprécier l’exclusion de tout mécanisme de confiance légitime en l’espèce.
I. La substitution impérative du régime de l’Union aux conventions bilatérales
A. Le principe de remplacement édicté par l’article 6 du règlement La Cour souligne que le règlement « se substitue, dans le cadre de son champ d’application personnel ainsi que matériel, et sous certaines réserves, à toute convention ». Cette substitution revêt une portée impérative et n’admet aucune exception en dehors des cas limitativement énumérés par le texte européen. La juridiction rappelle que l’adhésion d’un État déclenche l’application immédiate des règles communes aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne.
B. Le caractère restrictif des exceptions prévues à l’article 7 L’article 7 autorise le maintien de dispositions conventionnelles si elles sont plus favorables ou découlent de circonstances historiques spécifiques avec un effet temporel limité. Ces dérogations doivent impérativement figurer à l’annexe III du règlement pour demeurer applicables nonobstant le principe général de remplacement des normes nationales. L’accord litigieux n’étant pas recensé dans cette annexe, il s’efface nécessairement devant la législation européenne qui protège les droits sociaux des travailleurs.
II. L’inopposabilité de la confiance légitime au bénéfice de l’accord bilatéral
A. L’écartement motivé de la jurisprudence protectrice antérieure La Cour écarte l’application des principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt qui permettaient parfois de conserver les bénéfices d’une convention bilatérale jugée plus avantageuse. Ce précédent repose sur la protection de la confiance légitime du travailleur qui décide de se déplacer en fonction des règles connues au départ. Les intéressés avaient quitté le territoire roumain six ans avant la signature de l’accord financier, ce qui exclut toute attente raisonnable lors de leur migration.
B. La primauté de la protection sociale offerte par le droit de l’Union Les requérants sollicitaient expressément le bénéfice des dispositions du règlement européen et ne revendiquaient nullement l’application des termes de l’accord bilatéral de compensation financière. La Cour précise qu’un État membre ne saurait invoquer ses propres engagements diplomatiques pour faire échec aux droits que les particuliers tirent de l’ordre juridique. Cette décision préserve l’efficacité du système de sécurité sociale de l’Union en empêchant que des règlements forfaitaires globaux ne lèsent les assurés sociaux.