Cour de justice de l’Union européenne, le 22 juin 2011, n°C-399/09

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 juin 2011, une décision fondamentale concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants. Une ressortissante a exercé son activité professionnelle sur le territoire d’un ancien État fédéral avant la dissolution de celui-ci. L’administration de sécurité sociale a fixé le montant de sa pension de retraite en application d’une convention bilatérale répartissant les périodes d’assurance. La requérante a contesté ce calcul, le montant obtenu étant inférieur à celui résultant de l’application directe de la législation interne. La juridiction constitutionnelle nationale a imposé le versement d’un complément financier en limitant ce bénéfice aux seuls nationaux résidant sur le territoire. Saisie du litige, la juridiction administrative suprême de Prague a interrogé le juge de l’Union sur la compatibilité de ces règles avec le droit communautaire. Il s’agissait de déterminer si le maintien d’une convention bilatérale faisait obstacle à un ajustement national et si les critères d’attribution étaient discriminatoires. Le juge de l’Union valide le mécanisme de compensation tout en censurant les conditions restrictives fondées sur la nationalité et la résidence.

I. La validité du complément de pension au regard de la répartition conventionnelle des compétences

A. Le respect du critère de rattachement fixé par la convention bilatérale Le règlement communautaire prévoit le maintien de certaines dispositions conventionnelles antérieures lorsque celles-ci découlent de circonstances historiques spécifiques et figurent en annexe. La convention de 1992 désigne l’État compétent selon le siège de l’employeur au jour de la scission de l’ancien État fédéral. L’application de ce critère permet d’identifier l’institution débitrice unique et d’éviter ainsi tout cumul injustifié de législations nationales pour une même période. La juridiction nationale craignait qu’un ajustement financier ne remette en cause cette répartition des compétences entre les deux nouveaux États membres souverains. La Cour précise toutefois que le versement d’un complément ne modifie pas l’autorité désignée par la convention pour liquider la prestation principale.

B. La qualification juridique de l’ajustement comme mécanisme de compensation L’octroi d’une somme additionnelle n’équivaut pas à la création d’une prestation de vieillesse parallèle qui ignorerait les règles de coordination européenne. Le juge de l’Union souligne qu’il s’agit seulement du « comblement d’une différence, objectivement constatée, entre des prestations d’origine différente ». Ce mécanisme ne conduit pas à une double prise en compte d’une seule et même période d’assurance accomplie par le travailleur. L’ajustement assure simplement au bénéficiaire le niveau de protection sociale le plus élevé prévu par la législation de l’État membre concerné. Cette solution préserve l’effet utile du droit de l’Union tout en respectant les particularités historiques ayant justifié le maintien de la convention.

II. La sanction des critères discriminatoires limitant l’accès au complément de prestation

A. L’identification d’une discrimination directe et indirecte prohibée Le principe d’égalité de traitement « prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité… mais encore toutes formes dissimulées de discrimination ». L’exigence de posséder la nationalité de l’État membre constitue une discrimination directe manifeste qui lèse les ressortissants des autres États. La condition supplémentaire de résidence sur le territoire national affecte principalement les travailleurs migrants ayant exercé leur droit à la libre circulation. Une telle clause de résidence est présumée discriminatoire dès lors qu’elle risque de jouer au détriment des personnes n’ayant pas la nationalité nationale. L’absence de justification objective avancée par l’autorité publique conduit nécessairement à la constatation d’une violation grave des dispositions du règlement de coordination.

B. Les conséquences du rétablissement de l’égalité sur le maintien des avantages Le respect du principe d’égalité impose d’accorder aux personnes de la catégorie défavorisée les mêmes avantages que ceux dont bénéficient les privilégiés. Tant que l’État n’a pas adopté de nouvelles mesures générales, le régime des bénéficiaires actuels reste le seul système de référence valable. Le droit de l’Union ne s’oppose pas, pour l’avenir, à une réduction des avantages afin de rétablir une égalité de traitement parfaite. Cependant, avant toute réforme législative, aucune règle communautaire n’exige de priver du complément les personnes qui répondent déjà aux critères nationaux litigieux. Cette approche garantit la protection des droits acquis tout en imposant l’extension immédiate du bénéfice de la prestation à l’ensemble des assurés lésés.

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Hassan KOHEN
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