Cour de justice de l’Union européenne, le 22 juin 2023, n°C-258/22

Par un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, la juridiction s’est prononcée sur la conformité d’un dispositif fiscal national aux exigences de la liberté de circulation des capitaux. Un établissement de droit public exploitant une entreprise d’assurance-vie a perçu, durant l’exercice deux mille un, des dividendes de sociétés non-résidentes au sein desquelles il détenait des participations minoritaires. L’administration fiscale a procédé à la réintégration de vingt pour cent de ces revenus dans l’assiette de la taxe professionnelle, conformément aux dispositions législatives alors en vigueur. La société a contesté cette décision devant le Tribunal des finances de Basse-Saxe en invoquant une rupture d’égalité avec le traitement réservé aux dividendes d’origine nationale. Saisi d’un recours en révision, la Cour fédérale des finances a interrogé la Cour de justice sur l’existence d’une éventuelle restriction aux mouvements de capitaux. Le problème de droit porte sur le point de savoir si une différence de technique comptable dans la détermination de l’assiette fiscale constitue une entrave illicite. La Cour juge que l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre » prévoyant une telle modalité de réintégration. L’analyse de cette solution repose sur l’étude de la neutralité fiscale du mécanisme avant d’envisager la portée de la qualification de restriction.

I. L’identification d’une neutralité fiscale malgré une dualité de méthodes comptables

A. La convergence des charges fiscales finales entre investissements nationaux et étrangers

Au cours de la période d’imposition litigieuse, les dividendes de sociétés résidentes étaient intégralement intégrés dès la première étape du calcul de la taxe professionnelle. À l’inverse, les revenus provenant de participations étrangères subissaient d’abord une déduction partielle avant de faire l’objet d’une réintégration comptable lors d’une phase ultérieure. Cette distinction purement technique n’aboutit pas à une majoration de la dette fiscale finale pour l’investisseur ayant placé ses capitaux hors des frontières nationales. La Cour souligne que « la totalité des dividendes étant, dans les deux cas, incluse dans cette assiette et soumise à la même charge fiscale ». L’égalité de traitement est ainsi préservée par l’équivalence arithmétique des montants imposés au terme de la procédure de détermination de l’assiette.

B. L’absence d’effet dissuasif lié au processus de réintégration de l’assiette

La liberté de circulation des capitaux prohibe les mesures nationales susceptibles de décourager les résidents d’effectuer des investissements dans d’autres États membres du marché unique. Une différence dans les étapes successives du calcul n’est pas de nature à constituer un traitement désavantageux si elle ne génère aucune surcharge financière effective. La réglementation contestée vise précisément à garantir que les dividendes de sources étrangères subissent une pression fiscale identique à celle appliquée aux revenus de source interne. Cette modalité particulière « ne conduit pas à un traitement désavantageux des seconds par rapport aux premiers » puisque le résultat comptable demeure strictement invariant. L’examen du fondement de l’imposition révèle alors une volonté de maintenir une parfaite équité entre les différentes origines géographiques des produits financiers perçus.

II. Une interprétation stricte de la notion de restriction aux mouvements de capitaux

A. L’indifférence de la complexité réglementaire sur la qualification de l’entrave

L’assujetti a soutenu que la complexité des règles nationales et leur caractère imprévisible créaient une incertitude préjudiciable à la rentabilité des investissements transfrontaliers. La Cour écarte cet argument en rappelant que les difficultés administratives ne démontrent pas, par elles-mêmes, l’impossibilité de respecter les obligations fiscales en vigueur. Les règles n’étaient pas « impossibles ou excessivement difficiles à respecter lors de l’investissement dans des sociétés non-résidentes » pour un opérateur économique normalement diligent. Une simple lourdeur procédurale ou une architecture législative sophistiquée ne saurait suffire à caractériser une entrave au sens du droit de l’Union européenne. La protection des libertés fondamentales impose de s’attacher à la réalité de la charge subie plutôt qu’à la seule forme des étapes administratives suivies.

B. La distinction opérée avec les précédents jurisprudentiels en matière de désavantage fiscal

La juridiction européenne différencie nettement cette espèce des solutions antérieures où les régimes d’imposition distincts créaient un véritable avantage sélectif pour les seules participations nationales. Dans les affaires passées, les sociétés détenant des titres étrangers se trouvaient « dans une situation moins avantageuse » car elles ne pouvaient pas déduire certaines dépréciations de leurs revenus. La présente décision s’en écarte dès lors que le maintien des participations étrangères n’entraîne aucun préjudice économique par rapport à la détention d’actifs domestiques comparables. Aucun élément ne permet de mettre en évidence un désavantage réel que les dividendes distribués par une entité non-résidente subiraient lors de leur soumission à la taxe. La Cour confirme ainsi que la notion de restriction exige la preuve d’une altération concrète de la situation du contribuable effectuant un placement transfrontalier.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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