Cour de justice de l’Union européenne, le 22 juin 2023, n°C-258/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 mai 2022, un arrêt précisant l’articulation entre les modalités de calcul fiscal et la libre circulation des capitaux. Un établissement financier a perçu, durant l’exercice 2001, des dividendes provenant de participations minoritaires détenues dans des sociétés non-résidentes et des fonds de placement étrangers. L’administration fiscale a réintégré une fraction de ces revenus dans l’assiette de la taxe professionnelle, compensant ainsi une déduction initialement opérée lors d’une étape comptable antérieure.

La société conteste cette pratique au motif que les dividendes de source nationale ne subissaient aucune phase de déduction puis de réintégration durant cette même période d’imposition. La juridiction suprême nationale, saisie d’un recours contre le jugement du Tribunal des finances de Basse-Saxe du 25 janvier 2018, a interrogé le juge européen sur ce mécanisme.

La question posée est de savoir si une différence de technique de calcul entre dividendes nationaux et étrangers constitue une restriction, même si la charge fiscale demeure identique. La Cour juge qu’une telle réglementation nationale est licite car elle n’entraîne aucun désavantage financier effectif pour l’investisseur choisissant de placer ses capitaux à l’étranger. L’analyse repose sur l’absence de traitement discriminatoire concret (I) et sur l’analyse de l’effet dissuasif réel de la norme fiscale (II).

I. La neutralité fiscale de la charge globale d’imposition

A. L’absence de traitement désavantageux effectif

La Cour souligne que l’assiette de la taxe professionnelle intègre finalement l’intégralité des dividendes perçus, sans distinction fondée sur la situation géographique du siège de la société distributrice. Elle relève que « cette différence de traitement, lors des deux étapes du calcul […] ne conduit pas à un traitement désavantageux des seconds par rapport aux premiers ».

Les modalités comptables divergent mais le résultat fiscal demeure strictement neutre puisque « la totalité des dividendes étant, dans les deux cas, incluse dans cette assiette ». Le juge européen privilégie ainsi une analyse concrète de l’incidence financière du prélèvement au détriment d’une lecture purement formelle des étapes successives du calcul de l’impôt.

B. Le maintien de l’équilibre fiscal entre investissements

Le mécanisme de réintégration litigieux permet de rétablir une équité parfaite entre les investissements nationaux et transfrontaliers en évitant tout avantage injustifié pour ces derniers. La Cour affirme que les règles « visent à garantir que les dividendes distribués par des sociétés non-résidentes soient soumis à la même charge fiscale que ceux versés par des sociétés résidentes ».

Sans cette correction comptable, les investissements étrangers auraient bénéficié d’une exonération partielle dont ne jouissaient pas les placements effectués sur le territoire de l’État membre concerné. La juridiction écarte la comparaison avec des précédents jurisprudentiels où l’application de régimes distincts aboutissait à un avantage fiscal réel au profit des seules participations résidentes.

L’absence de préjudice financier direct exclut la qualification de restriction, déplaçant le débat juridique vers les conséquences indirectes de la complexité du dispositif national.

II. L’appréciation de l’entrave par le prisme de l’effet dissuasif

A. Le rejet de la complexité administrative comme critère de restriction

La requérante invoquait la complexité et l’imprévisibilité de la réglementation nationale comme des obstacles de nature à freiner les flux de capitaux vers les autres États membres. Le juge européen rejette ces arguments en estimant que la complexité alléguée n’empêche pas le respect des obligations fiscales lors de la réalisation d’un investissement transfrontalier.

La Cour estime que les « arguments […] relatifs à la complexité de ladite réglementation ne sont pas de nature à démontrer que les règles prévues par celle-ci auraient été impossibles ». L’existence d’un droit d’option exercé par l’assujetti renforce cette conclusion, démontrant une maîtrise suffisante des enjeux juridiques par les opérateurs économiques concernés par cette réforme.

B. La confirmation d’une approche finaliste des libertés de circulation

L’arrêt confirme qu’une mesure constitue une restriction seulement lorsqu’elle est susceptible de dissuader effectivement un résident d’investir ses capitaux dans une société établie hors du territoire. En l’espèce, « la différence de traitement opérée […] ne conduit pas à un traitement désavantageux des seconds par rapport aux premiers » sur le plan financier.

Le juge conclut qu’une « telle différence de traitement n’est pas susceptible de dissuader les résidents de cet État membre d’investir leurs capitaux dans un autre État ». Cette approche finaliste privilégie la réalité de la pression fiscale subie par l’opérateur sur la forme purement procédurale adoptée par le législateur pour établir l’impôt.

La liberté de circulation des capitaux protège l’investisseur contre les préjudices économiques mais n’impose pas une uniformité absolue des méthodes administratives de perception fiscale.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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