Cour de justice de l’Union européenne, le 22 mai 2014, n°C-339/13

Par un arrêt rendu possiblement le 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur la procédure en manquement engagée à l’encontre d’un État membre. Cette décision porte sur le non-respect des normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses.

Les faits à l’origine du litige découlent de l’adoption de la directive 1999/74/CE du Conseil, qui visait à interdire l’élevage de poules pondeuses dans des cages dites « non aménagées » à compter du 1er janvier 2012. Cette législation imposait aux États membres de garantir la transition vers des systèmes d’élevage respectant des critères de bien-être animal plus stricts, notamment par l’utilisation de « cages aménagées » ou de systèmes alternatifs.

La Commission européenne, constatant que l’État membre mis en cause n’avait pas assuré la mise en conformité de toutes ses exploitations agricoles dans le délai imparti, a initié une procédure de recours en manquement. Après avoir adressé une lettre de mise en demeure puis un avis motivé à l’État défendeur, la Commission a saisi la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elle demandait à la Cour de constater que l’État membre avait failli à ses obligations. La question de droit soumise à la Cour était donc de savoir si le fait pour un État membre de ne pas avoir garanti la cessation complète de l’utilisation de cages non aménagées pour les poules pondeuses à la date fixée par une directive constituait un manquement à ses obligations découlant du droit de l’Union.

À cette question, la Cour de justice a répondu par l’affirmative. Elle a jugé qu’« en n’ayant pas veillé à ce que, à compter du 1er janvier 2012, les poules pondeuses ne soient plus élevées dans des cages non aménagées, [l’État membre] a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 5, paragraphe 2, de la directive 1999/74/CE ». Par conséquent, la Cour a condamné l’État membre aux dépens.

Cette décision illustre la rigueur avec laquelle la Cour contrôle le respect par les États membres de leurs obligations (I), tout en réaffirmant la fonction essentielle du recours en manquement pour l’ordre juridique de l’Union (II).

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I. La caractérisation rigoureuse du manquement de l’État membre

La solution retenue par la Cour de justice repose sur une appréciation stricte de l’obligation de résultat imposée par la directive (A), conduisant à une constatation objective et inévitable du manquement (B).

A. Une obligation de résultat dépourvue d’ambiguïté

La directive 1999/74/CE établissait un calendrier précis et inconditionnel pour l’abandon d’un mode d’élevage jugé contraire au bien-être animal. L’article 5, paragraphe 2, de ce texte fixait au 1er janvier 2012 la date butoir au-delà de laquelle les cages non aménagées devenaient illégales sur tout le territoire de l’Union. Une telle disposition crée à la charge des États membres une obligation de résultat claire, ne laissant place à aucune marge d’appréciation quant à l’échéance. La Cour ne s’attache donc pas à examiner les éventuelles difficultés d’ordre pratique, économique ou administratif que l’État membre aurait pu rencontrer pour justifier son retard. Le droit de l’Union postule que les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires, y compris législatives et administratives, pour atteindre l’objectif fixé par une directive dans les délais prescrits. L’effectivité du droit de l’Union serait compromise si des considérations de politique intérieure pouvaient faire échec à l’application uniforme de la loi commune. L’arrêt commenté réaffirme ainsi un principe fondamental de primauté et d’application directe.

B. La constatation objective de l’inexécution

Dans le cadre d’un recours en manquement, le rôle de la Cour se limite à vérifier de manière objective si un État membre a respecté les obligations qui lui incombent en vertu des traités. La procédure ne vise ni à juger l’intention de l’État ni à évaluer la gravité de la faute commise. Le seul fait matériel de l’inexécution suffit à caractériser le manquement. En l’espèce, la Cour constate que des poules pondeuses continuaient d’être élevées dans des systèmes de cages prohibés après la date limite. Ce simple constat factuel, non contesté par l’État défendeur, suffit à établir la violation de la directive. En déclarant que l’État « n’a pas veillé » à la mise en conformité, la Cour souligne que l’obligation de l’État n’était pas seulement de transposer la norme, mais également d’assurer son application effective sur son territoire. Cette décision rappelle que la responsabilité d’un État membre peut être engagée du seul fait de la situation objective de non-respect du droit de l’Union, indépendamment de l’organe de l’État (législatif, exécutif ou judiciaire) dont l’action ou l’inaction est à l’origine du manquement.

L’arrêt s’inscrit ainsi dans une jurisprudence constante qui fait du recours en manquement un instrument essentiel à la préservation de l’intégrité de l’ordre juridique de l’Union.

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II. La portée du recours en manquement comme garantie de l’effectivité du droit de l’Union

Cette décision met en lumière le rôle institutionnel fondamental de la Commission européenne en tant que gardienne des traités (A) et rappelle la nature déclaratoire de l’arrêt en manquement, première étape d’une possible procédure coercitive (B).

A. Le rôle de la Commission, gardienne des traités

Le présent arrêt est l’aboutissement d’une procédure initiée par la Commission européenne sur le fondement de l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cette prérogative confère à la Commission la responsabilité de surveiller l’application du droit de l’Union par les États membres et d’engager des poursuites en cas de violation. En agissant contre l’État membre défaillant, la Commission ne défend pas seulement la lettre de la directive 1999/74/CE, mais garantit également les conditions d’une concurrence équitable au sein du marché unique. Permettre à un État de ne pas appliquer des normes contraignantes, notamment en matière de bien-être animal qui peuvent engendrer des coûts de production supplémentaires, créerait une distorsion de concurrence au détriment des opérateurs économiques des autres États membres qui, eux, ont respecté la législation. Le recours en manquement est donc un mécanisme correcteur indispensable au bon fonctionnement de l’Union, assurant que les règles communes sont appliquées de manière uniforme.

B. La nature déclaratoire de l’arrêt et ses suites potentielles

L’arrêt rendu par la Cour de justice est de nature déclaratoire. Il se borne à constater officiellement le manquement de l’État membre et le condamne aux dépens, sans prononcer à ce stade de sanction pécuniaire. Conformément à l’article 260, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’État membre dont le manquement a été constaté est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour dans les plus brefs délais. La portée de la décision est donc avant tout juridique et politique, car elle expose l’État au regard de ses partenaires et le contraint à régulariser sa situation. Toutefois, si, après une nouvelle mise en demeure de la Commission, l’État persistait dans son manquement, la Commission pourrait introduire un nouveau recours en demandant à la Cour de lui infliger des sanctions financières, sous la forme d’une somme forfaitaire et/ou d’une astreinte journalière. Cet arrêt constitue donc une étape nécessaire et un avertissement formel, dont la portée réelle dépendra de la diligence avec laquelle l’État membre se conformera au jugement de la Cour.

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Hassan KOHEN
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