Cour de justice de l’Union européenne, le 22 mai 2014, n°C-356/12

La Cour de justice de l’Union européenne (cinquième chambre), par un arrêt rendu le 22 mai 2014, a examiné la validité de certaines normes minimales d’acuité visuelle. Cette décision traite de la tension entre les impératifs de la sécurité routière et la protection des droits fondamentaux des personnes atteintes d’un handicap. À la suite du retrait de son permis pour des motifs étrangers au litige, un conducteur a sollicité sa délivrance pour des véhicules lourds. L’autorité administrative a opposé un refus au motif que l’acuité visuelle de l’œil le moins bon n’atteignait pas le seuil légal de 0,1. L’intéressé a contesté cette décision en soulignant ses capacités de compensation et l’excellence de sa vision binoculaire malgré une amblyopie de l’œil droit.

Le tribunal administratif de Ratisbonne a rejeté le recours initial, menant l’intéressé à interjeter appel devant la juridiction administrative supérieure de Munich. Cette dernière, par une décision du 5 juillet 2012, a interrogé la Cour sur la conformité de l’annexe litigieuse aux droits fondamentaux de l’Union européenne. La problématique repose sur la validité de la directive au regard du principe de non-discrimination et de l’intégration sociale des personnes handicapées. La Cour a jugé que l’examen de la question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la disposition dont il s’agit. L’étude de cette décision s’articule autour de la conciliation entre sécurité et droits fondamentaux avant d’aborder la différenciation des régimes d’aptitude physique.

**I. Une conciliation proportionnée entre sécurité routière et droits fondamentaux**

**A. La primauté de l’impératif de sécurité routière dans l’accès à la conduite**

La Cour confirme que « l’amélioration de la sécurité routière constitue un objectif d’intérêt général de l’Union » justifiant des exigences physiques minimales pour conduire. La vision remplit une fonction essentielle pour la maîtrise des véhicules à moteur et son altération peut entraîner des conséquences graves pour autrui. Cet impératif de sécurité publique autorise le législateur à fixer des seuils d’acuité visuelle plus stricts pour la conduite des poids lourds. Les juges privilégient ainsi la protection de la santé des usagers de la route face aux demandes individuelles de dispense des normes médicales. Cette priorité donnée à la sécurité routière s’inscrit dans la mission de l’Union de garantir un niveau élevé de protection aux citoyens.

**B. Un encadrement nécessaire du droit à la non-discrimination**

La mesure contestée respecte le principe de non-discrimination car elle repose sur un critère objectif et nécessaire à la sauvegarde de l’intérêt général. Le législateur a cherché à « concilier, dans toute la mesure du possible, le principe d’égalité de traitement avec les exigences de la sécurité routière ». L’exigence d’une acuité minimale pour l’œil le moins bon garantit un « œil de réserve » capable de pallier une défaillance soudaine du meilleur. Cette disposition n’impose pas de charge démesurée puisque le seuil fut abaissé de 0,5 à 0,1 pour limiter l’exclusion des personnes malvoyantes. L’adaptation au progrès technique démontre une volonté de minimiser l’atteinte aux droits des personnes souffrant d’une déficience sensorielle durable.

**II. Une différenciation justifiée des régimes juridiques d’aptitude**

**A. L’absence de comparabilité entre les catégories de conducteurs**

L’intéressé invoquait une violation de l’égalité en droit en comparant sa situation à celle des conducteurs de véhicules légers bénéficiant d’exceptions. La Cour décide que « les situations des conducteurs de tels véhicules ne sont pas comparables » au regard du gabarit et des responsabilités exercées. Le poids ou la manœuvrabilité des automobiles du groupe deux justifient l’existence de conditions de délivrance du permis plus rigoureuses et spécifiques. L’absence de possibilité de dérogation pour les professionnels du transport routier ne constitue donc pas un traitement discriminatoire illégal selon les juges. Cette distinction fonctionnelle entre les catégories de permis assure une cohérence globale du système de sécurité routière au sein de l’Union.

**B. La consécration du large pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union**

Le législateur de l’Union « dispose d’un large pouvoir d’appréciation » lorsqu’il traite des questions médicales complexes ou des évaluations techniques de risques incertains. Le juge ne peut substituer sa propre appréciation des éléments scientifiques à celle des autorités compétentes chargées de définir les normes sanitaires. Cette marge de manœuvre est encadrée par l’obligation de baser les choix législatifs sur des critères objectifs issus des rapports d’experts internationaux. La validité de la norme technique est maintenue car elle ne repose pas sur une erreur manifeste malgré l’absence d’études scientifiques définitives. Ce large pouvoir décisionnel permet de maintenir un haut niveau d’exigence alors même que les capacités de compensation individuelle demeurent parfois difficiles.

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Hassan KOHEN
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