La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 22 mai 2014, précise l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88 relative à l’aménagement du temps de travail. Ce litige porte sur la détermination de la rémunération due à un travailleur pendant son congé annuel lorsque son salaire inclut des commissions variables. Un consultant en ventes, percevant un fixe mensuel et des commissions liées aux contrats conclus, a saisi l’Employment Tribunal de Leicester d’un recours pour non-paiement. Il estimait que l’absence de perception de commissions durant son repos entraînait une baisse de revenus les mois suivants. La juridiction britannique a alors interrogé la Cour sur la compatibilité des pratiques nationales excluant ces commissions du calcul de l’indemnité de congé. La Cour répond que la directive s’oppose à une rémunération de congé limitée au seul salaire de base car cela peut dissuader le travailleur de se reposer.
I. Le maintien de la rémunération ordinaire comme garantie du droit au congé
A. L’objectif d’équivalence salariale durant le repos annuel
Le droit au congé annuel payé constitue un principe fondamental du droit social de l’Union européenne auquel il ne peut être dérogé. La Cour rappelle que l’expression « congé annuel payé » implique que « la rémunération doit être maintenue » durant cette période de repos spécifique. Le travailleur doit ainsi percevoir sa « rémunération ordinaire » afin de ne pas subir de préjudice lié à l’exercice de son droit. L’objectif poursuivi par le législateur européen est de « placer le travailleur, lors dudit congé, dans une situation qui est, s’agissant du salaire, comparable aux périodes de travail ». Cette exigence assure que le salarié profite effectivement d’un repos nécessaire à sa santé sans crainte de perte financière immédiate. L’indemnité versée doit donc refléter fidèlement l’ensemble des éléments habituels de la rémunération perçue par l’intéressé.
B. La sanction de l’effet dissuasif lié au désavantage financier différé
L’employeur soutenait que le maintien du salaire de base et le versement des commissions passées suffisaient à respecter les exigences européennes. Cependant, le travailleur ne génère aucune commission pendant son absence, ce qui réduit mathématiquement son salaire lors des mois suivant son retour. La Cour souligne que « ce travailleur peut être dissuadé d’exercer son droit au congé annuel compte tenu du désavantage financier différé ». Le caractère réel de cette répercussion financière négative porte atteinte à la finalité protectrice de la directive sur le temps de travail. Une « diminution de la rémunération d’un travailleur au titre de son congé annuel payé (…) est contraire à l’objectif poursuivi par l’article 7 ». Le juge européen neutralise ainsi tout mécanisme contractuel ou législatif national qui rendrait la prise de repos onéreuse pour le salarié.
II. Les modalités d’intégration de la commission dans l’indemnité de congé
A. L’existence d’un lien intrinsèque entre la commission et l’activité professionnelle
Pour déterminer les éléments de rémunération à maintenir, il convient d’identifier ceux qui sont liés de manière indissociable aux tâches contractuelles. La Cour considère qu’il existe un « lien intrinsèque entre la commission que [le travailleur] perçoit mensuellement et l’exécution des tâches qui lui incombent ». Ce complément de salaire ne constitue pas un remboursement de frais accessoires mais une contrepartie directe de l’effort fourni par le consultant. En conséquence, « tout désagrément lié de manière intrinsèque à l’exécution des tâches (…) doit nécessairement faire partie du montant auquel le travailleur a droit ». Cette qualification juridique impose d’inclure la commission variable dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congé annuel. Seuls les frais professionnels exceptionnels peuvent être légitimement exclus du maintien de salaire garanti par le droit de l’Union.
B. Le renvoi aux méthodes nationales de calcul sous le contrôle du juge
S’agissant du montant exact à verser, la Cour refuse de fixer une méthode de calcul uniforme applicable à l’ensemble des États membres. Elle précise toutefois que la somme doit être appréciée par le juge national « sur la base d’une moyenne sur une période de référence jugée représentative ». Il appartient donc aux tribunaux nationaux de vérifier si les modalités retenues en droit interne permettent d’atteindre l’objectif d’équivalence salariale. Les États disposent d’une marge d’appréciation pour définir la période de référence tout en garantissant un résultat conforme à la jurisprudence européenne. Cette appréciation souveraine doit assurer que les méthodes de calcul « atteignent l’objectif poursuivi par l’article 7 de la directive 2003/88 ». Le juge national doit veiller à ce que la rémunération de congé corresponde à la réalité économique du contrat de travail.