La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 novembre 2011, une décision essentielle relative à l’aménagement du temps de travail. Un salarié, inapte au travail depuis janvier 2002 suite à un infarctus, a perçu une rente d’invalidité jusqu’au terme de son contrat. En mars 2009, il sollicite le versement d’indemnités compensatrices pour les congés non pris au titre des années 2006, 2007 et 2008. L’employeur s’oppose à la requête concernant l’année 2006 en invoquant l’expiration du délai de report de quinze mois prévu conventionnellement. L’Arbeitsgericht de Dortmund accueille la demande pour les trois périodes litigieuses en se fondant sur le droit de l’Union. Saisie en appel, la juridiction supérieure s’interroge sur la conformité de cette extinction des droits avec les prescriptions européennes de sécurité. Le Landesarbeitsgericht de Hamm décide de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur l’interprétation de la directive 2003/88. La question posée vise à déterminer si le droit européen s’oppose à une réglementation nationale limitant le cumul des congés par un délai. La Cour répond que la directive ne s’oppose pas à une limitation de quinze mois au terme de laquelle le droit s’éteint. L’examen de cette solution conduit à étudier la validité du délai de report avant d’analyser la conciliation opérée entre repos et protection.
I. La validité d’un délai de report limité du droit au congé annuel
A. L’encadrement du cumul des droits par la fixation d’une limite temporelle
Le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme « un principe du droit social de l’Union ». Les autorités nationales peuvent toutefois prévoir des modalités d’exercice comprenant la perte dudit droit à la fin d’une période précise. Les juges précisent qu’un salarié en incapacité prolongée ne saurait « cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé acquis ». Cette interprétation nuance la portée de la jurisprudence antérieure qui exigeait une possibilité effective d’exercer le droit au repos physique. L’extinction du droit est admise pour éviter une accumulation excessive de périodes de vacances non consommées par l’intéressé. Cette admission de l’extinction du droit répond directement au besoin de préserver l’organisation interne de l’unité de production.
B. La protection légitime des intérêts de l’organisation de l’entreprise
La limitation du report vise également à « protéger l’employeur d’un risque de cumul trop important de périodes d’absence ». Une absence prolongée désorganiserait le fonctionnement interne de la structure économique par une planification devenue quasiment impossible. La Cour reconnaît la nécessité de garantir des périodes de repos échelonnées et disponibles à plus long terme pour le salarié. Le délai de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence annuelle pour rester conforme au droit. En l’espèce, les quinze mois prévus par la convention collective satisfont pleinement à cette exigence de proportionnalité juridique. L’encadrement temporel du report permet ainsi de maintenir l’équilibre nécessaire entre les droits individuels et la réalité des fonctions du congé.
II. La conciliation entre protection du travailleur et finalité du repos
A. Le maintien de la fonction de repos et de détente du congé
Le droit au congé annuel poursuit une « double finalité » essentielle pour la sécurité et la santé des travailleurs européens. Il doit permettre au salarié de se reposer de l’exécution de ses tâches et de disposer d’une période de détente. Au-delà d’une certaine limite temporelle, le congé « est dépourvu de son effet positif pour le travailleur en sa qualité de temps de repos ». Il ne conserve alors qu’une dimension de loisir déconnectée de l’effort professionnel fourni ou suspendu pendant la maladie. En effet, la reconnaissance d’une limite temporelle s’avère indispensable pour préserver l’efficacité concrète des mesures de protection de la santé.
B. La reconnaissance d’un délai de report raisonnable de quinze mois
Pour apprécier le caractère raisonnable du délai, les juges se réfèrent aux principes de l’Organisation internationale du travail. La convention numéro cent trente-deux prévoit un délai de report maximal de dix-huit mois à compter de la fin de l’année. La période de quinze mois retenue par la pratique nationale ne méconnaît pas la finalité protectrice du droit au congé payé. Dès lors, elle assure au repos de « garder son effet positif pour le travailleur » tout en restant dans un cadre cohérent. La Cour valide ainsi la possibilité pour les États membres d’éteindre une créance de congés devenue trop ancienne. Ainsi, cette décision clarifie le régime de l’indemnisation financière en cas de rupture du contrat de travail.