La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 novembre 2012, une décision fondamentale précisant le champ d’application de la directive relative aux dispositifs médicaux. Dans cette affaire, une entreprise commercialise un système d’enregistrement de l’activité cérébrale humaine dont l’usage purement scientifique a été expressément défini par son fabricant. Une société concurrente soutient que ce produit constitue techniquement un dispositif médical dont la mise sur le marché exige impérativement l’obtention d’un marquage de conformité. Les juridictions de fond allemandes ont rejeté cette demande en considérant que le système ne possédait pas la destination médicale nécessaire à une telle qualification juridique. Saisi d’un pourvoi en révision, le Bundesgerichtshof du 7 avril 2011 a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur l’interprétation du texte européen. La requérante estime que l’étude d’un processus physiologique suffit à caractériser le dispositif, tandis que la partie défenderesse invoque le principe de libre circulation des marchandises. La juridiction de renvoi demande si un objet destiné à l’étude d’un processus physiologique constitue un dispositif médical uniquement s’il est destiné à un but médical. La Cour répond par l’affirmative, jugeant que la finalité médicale est un élément intrinsèque de la définition légale pour éviter des entraves disproportionnées.
**I. L’exigence impérative d’une destination médicale pour la qualification de dispositif**
L’analyse de la Cour repose sur une lecture contextuelle de la législation européenne afin de déterminer les critères de qualification des produits de santé. Cette approche permet de distinguer les instruments purement scientifiques des dispositifs soumis à des contrôles rigoureux pour la protection des patients.
**A. Une interprétation téléologique primant sur la lettre de la directive**
La Cour relève d’abord que, dans l’expression « étude d’un processus physiologique », la destination médicale n’apparaît pas de manière explicite dans le texte initial. Elle souligne que « la destination médicale n’apparaît pas, contrairement aux premier et deuxième tirets de cette disposition » où les termes font référence à une pathologie. Les juges décident pourtant de dépasser cette simple constatation littérale en s’appuyant sur le contexte global de la réglementation et les objectifs de santé publique. Ils estiment que la dénomination même de la directive, relative aux dispositifs « médicaux », impose de restreindre son application aux produits ayant une finalité thérapeutique. L’interprétation systématique conduit ainsi à considérer que « la destination médicale doit être considérée comme inhérente à cette notion » juridique fondamentale.
**B. L’influence déterminante de la volonté du fabricant sur l’usage du produit**
Le raisonnement jurisprudentiel accorde une importance capitale à l’usage spécifiquement assigné au matériel par son créateur lors de sa mise sur le marché. La Cour s’appuie sur l’analogie avec le régime des logiciels, précisant qu’un programme n’est un dispositif médical que s’il est « spécifiquement destiné par le fabricant ». Elle considère que le silence du législateur sur d’autres types de produits s’explique par le fait que cette destination est normalement inhérente aux appareils visés. La qualification d’un produit dépend donc in concreto de la fonction précise que le fabricant lui attribue officiellement dans ses documents techniques ou commerciaux. Un instrument capable d’analyser des fonctions biologiques ne devient un dispositif médical que si son concepteur le destine formellement à des fins de diagnostic.
**II. La conciliation nécessaire entre sécurité sanitaire et libre circulation des marchandises**
La solution retenue par les juges européens vise à établir un équilibre entre la protection rigoureuse de la santé humaine et les impératifs du commerce. Cette clarification permet d’éviter une extension abusive des contraintes réglementaires à des secteurs économiques non concernés par les risques médicaux.
**A. La limitation proportionnée des entraves techniques aux échanges commerciaux**
La Cour rappelle que les différences de réglementations nationales sur la certification constituent des entraves majeures aux échanges à l’intérieur du marché intérieur européen. Elle affirme que la directive ne peut limiter la libre circulation « que lorsqu’une telle limitation est nécessaire pour la protection de la santé publique ». L’exigence de certification pour des produits sans destination médicale ne serait pas justifiée par un besoin impérieux de sécurité pour les utilisateurs ou patients. Les juges soulignent qu’il convient de prendre en compte non seulement la santé, mais également les exigences fondamentales de la libre circulation des marchandises. Une interprétation trop large de la notion de dispositif médical créerait des barrières techniques injustifiées pour de nombreux produits technologiques à usage général.
**B. Une clarification jurisprudentielle préservant le domaine des produits à usage général**
Cette décision permet de sécuriser le statut juridique de nombreux articles de consommation courante qui mesurent le fonctionnement de certains organes du corps humain. La Cour prend l’exemple frappant des articles de sport qui seraient indûment « soumis à une procédure de certification sans que cette exigence soit justifiée ». Cette distinction nette protège les fabricants d’équipements de bien-être ou de recherche fondamentale contre des coûts administratifs et techniques qui seraient totalement disproportionnés. En limitant le champ d’application de la directive aux seuls buts médicaux, la jurisprudence assure une cohérence économique indispensable au développement de l’innovation technologique. La protection du consommateur reste assurée par les réglementations générales sur la sécurité des produits sans entraver inutilement la compétitivité des entreprises européennes.