La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 novembre 2018, une décision fondamentale relative à la licéité de l’interdiction des tabacs à usage oral. Une société établie en territoire suédois a contesté devant la juridiction britannique la validité de la directive européenne encadrant la vente des produits du tabac. Le litige porte sur la prohibition de commercialiser certains produits sans combustion, alors que d’autres substances comme les cigarettes électroniques restent autorisées sur le marché intérieur. Saisie d’une demande de décision préjudicielle, la Haute Cour de justice d’Angleterre et du pays de Galles interroge la Cour sur la validité de cette mesure. Le demandeur invoque une méconnaissance des principes d’égalité, de proportionnalité et de subsidiarité, ainsi qu’un défaut de motivation de l’acte législatif européen. La juridiction de l’Union doit déterminer si le maintien de cette interdiction stricte respecte les garanties juridiques supérieures et les objectifs de santé publique. La Cour conclut que l’examen des moyens soulevés ne révèle aucun élément de nature à affecter la validité des dispositions litigieuses de la directive de 2014.
I. La confirmation du régime spécifique applicable aux produits du tabac à usage oral
A. L’absence de violation du principe d’égalité de traitement
La Cour rejette l’argument d’une discrimination injustifiée entre les produits du tabac à usage oral et les autres formes de tabac ou substituts. Elle souligne que les produits interdits conservent un caractère de nouveauté sur le marché des États membres par rapport aux produits du tabac traditionnels. Le juge précise que « les produits du tabac à usage oral faisant l’objet de l’interdiction […] étaient nouveaux sur le marché des États membres visés » et présentent une attractivité particulière pour les jeunes consommateurs. La distinction avec les cigarettes électroniques repose sur des « caractéristiques objectives différentes », excluant ainsi toute comparaison pertinente au regard du principe d’égalité. Cette approche permet de justifier un traitement différencié fondé sur la dangerosité spécifique et le potentiel d’expansion commerciale de ces substances addictives.
B. Le respect des principes de proportionnalité et de précaution
La validité de l’interdiction s’appuie sur la nécessité de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine, conformément aux traités. La Cour rappelle que le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour effectuer des évaluations techniques et sociales complexes dans ce domaine sensible. L’arrêt invoque le principe de précaution, permettant d’adopter des mesures restrictives même si « des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques ». Le juge estime que l’interdiction n’est pas manifestement inappropriée pour prévenir un effet de passerelle vers le tabagisme, notamment chez les mineurs. Les intérêts économiques des producteurs s’effacent ainsi devant l’impératif prépondérant de protection sanitaire des populations européennes.
II. La légitimation de l’action harmonisatrice de l’Union européenne
A. La validité de la méthode d’harmonisation au regard de la subsidiarité
L’intervention du législateur européen est jugée conforme au principe de subsidiarité car elle vise à améliorer le fonctionnement du marché intérieur. La Cour observe que des réglementations nationales divergentes pourraient entraver la libre circulation des marchandises et créer des distorsions de concurrence entre États. Elle affirme que « ce double objectif pouvait être mieux réalisé au niveau de l’Union » en raison de l’interdépendance entre santé publique et commerce. Une harmonisation par étapes est permise, laissant au législateur le choix de la technique de rapprochement des législations la plus adéquate. La mesure assure ainsi une cohérence globale du régime applicable aux produits du tabac sur l’ensemble du territoire de l’Union.
B. La conformité aux exigences de motivation et aux droits fondamentaux
La Cour valide enfin la motivation de la directive en se référant au contexte législatif et aux analyses d’impact produites par les institutions. Le juge considère que les considérants de l’acte permettent de « connaître les justifications de la mesure prise » et assurent un contrôle juridictionnel effectif. L’interdiction ne méconnaît pas non plus la Charte des droits fondamentaux, car elle vise précisément à concrétiser le droit à la santé. « Cette limitation serait prévue par la loi » et répondrait effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’ordre juridique de l’Union européenne. La restriction apportée à l’exercice de certaines libertés économiques demeure donc strictement proportionnée aux bénéfices attendus pour la collectivité.