Cour de justice de l’Union européenne, le 22 novembre 2018, n°C-625/17

La Cour de justice de l’Union européenne rend une décision importante le 22 novembre 2018 concernant la fiscalité bancaire. Ce litige porte sur une taxe nationale assise sur le total du bilan non consolidé des établissements de crédit. La question juridique centrale concerne la compatibilité de ce prélèvement avec les libertés de circulation garanties par les traités européens.

Un établissement bancaire fournit des services à des clients résidant dans plusieurs États membres sans disposer d’installations stables à l’étranger. L’administration fiscale fixe le montant d’une taxe de stabilité due pour l’année 2014 en application de la législation nationale. Le recours contre cette décision est rejeté par le tribunal fédéral des finances par un arrêt du 1er avril 2016. La Cour administrative, saisie d’un pourvoi, décide de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation des articles 56 et 63 TFUE.

La juridiction de renvoi demande si le droit de l’Union s’oppose à une taxe sur le bilan non consolidé incluant les opérations transfrontalières directes. Elle s’interroge sur l’existence d’une discrimination par rapport aux établissements opérant via des filiales établies dans d’autres États membres. La Cour répond que l’article 56 TFUE ne s’oppose pas à une telle réglementation nationale même si elle engendre des coûts supplémentaires.

I. L’absence de restriction caractérisée à la libre prestation des services

A. La primauté de la libre prestation des services sur la circulation des capitaux

La Cour examine d’abord quelle liberté fondamentale s’applique prioritairement à une mesure fiscale frappant globalement le bilan d’une banque. Elle rappelle que les opérations d’octroi de crédits se rapportent en principe tant à la prestation de services qu’à la circulation des capitaux. L’analyse doit porter sur la liberté prédominante dans les circonstances de l’espèce conformément à une jurisprudence constante des juges européens.

Le juge relève que la requérante critique l’augmentation du coût de ses activités transfrontalières directes liée à l’assiette de la taxe. Cette conséquence affecte de manière prépondérante la libre prestation des services tandis que les effets sur les capitaux sont accessoires. L’examen de la mesure nationale se limite donc aux articles 56 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

B. L’inexistence d’un obstacle discriminatoire aux activités transfrontalières

Le principe de libre prestation des services interdit les réglementations rendant les services entre États membres plus difficiles que les prestations purement internes. La Cour souligne que « constituent des restrictions à la libre prestation des services les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté ». Cependant, la taxe de stabilité litigieuse n’établit aucune distinction selon l’origine des clients ou le lieu de la prestation.

L’assiette fiscale prend en compte l’ensemble des opérations bancaires effectuées sans intermédiaire qu’elles soient réalisées sur le territoire national ou à l’étranger. Le seul fait qu’une charge fiscale puisse augmenter le coût des opérations ne suffit pas à caractériser un obstacle juridique prohibé. La mesure affecte de la même manière la prestation de services entre États membres et celle interne à un État membre.

II. La reconnaissance de la cohérence des régimes de liberté de circulation

A. La distinction fondamentale entre établissement et prestation de services

La banque invoque une discrimination par rapport aux établissements agissant par l’intermédiaire de filiales indépendantes dont le bilan est juridiquement distinct. La Cour précise qu’il importe de déterminer si l’opérateur économique est établi ou non dans l’État membre où il offre le service. L’établissement implique l’exercice d’une activité économique effective au moyen d’une installation stable pour une durée indéterminée dans l’État d’accueil.

Le prestataire transfrontalier exerce son activité à titre temporaire sans disposer d’une telle implantation réelle dans l’État membre de destination des services. Les États membres peuvent traiter différemment les situations relevant respectivement de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services. Ces régimes impliquent en règle générale des conséquences juridiques et économiques distinctes que la loi fiscale peut légitimement prendre en considération.

B. La préservation de la compétence fiscale des États membres non harmonisée

La Cour rappelle que la fiscalité directe ou indirecte des établissements de crédit n’a pas fait l’objet d’une harmonisation totale. Les États membres doivent exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union sans pour autant renoncer à leur autonomie réglementaire. L’article 56 TFUE « ne s’oppose pas à une réglementation nationale » imposant une taxe déterminée en fonction du total du bilan non consolidé.

La solution retenue préserve la cohérence du système fiscal national tout en écartant l’analogie avec des jurisprudences relatives à la discrimination indirecte. L’absence de preuves factuelles sur un désavantage particulier pour les banques transfrontalières confirme la neutralité de la mesure au regard du droit européen. Ce jugement consolide la liberté des États de choisir l’assiette de leurs prélèvements obligatoires en l’absence de discrimination manifeste.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture