L’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 22 octobre 2009 porte sur l’interprétation de l’accord-cadre sur le congé parental. En l’espèce, une salariée employée à temps plein sous contrat à durée indéterminée bénéficiait d’un congé parental à temps partiel, réduisant ses prestations de moitié. Pendant cette période, son employeur a procédé à son licenciement avec effet immédiat, en lui versant une indemnité calculée sur la base de sa rémunération réduite. La salariée a contesté ce mode de calcul, estimant que l’indemnité aurait dû être fondée sur sa rémunération à temps plein. Saisie du litige en dernière instance, la juridiction nationale suprême a interrogé la Cour de justice sur la conformité de la pratique de l’employeur avec le droit communautaire. La question posée était de savoir si, en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié en congé parental à temps partiel, l’indemnité de licenciement doit être calculée sur la base de la rémunération perçue avant la réduction du temps de travail. La Cour répond par l’affirmative, jugeant que la clause 2 de l’accord-cadre s’oppose à ce que l’indemnité soit déterminée à partir de la rémunération réduite. La solution de la Cour consacre une protection robuste des travailleurs, qu’il convient d’analyser en étudiant d’abord la confirmation du principe de maintien des droits durant le congé parental (I), puis la sanction d’une pratique qui en compromet l’effectivité (II).
I. La confirmation du principe de maintien des droits durant le congé parental
La Cour de justice fonde sa décision sur une interprétation extensive de la notion de droits du travailleur, qu’elle estime devoir être intégralement préservés durant le congé parental. Elle affirme ainsi la primauté des droits acquis ou en cours d’acquisition (A) et rejette toute distinction fondée sur les modalités d’exercice du congé (B).
A. Une interprétation extensive de la notion de droits acquis
L’analyse de la Cour repose sur la clause 2, point 6, de l’accord-cadre, qui dispose que « les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental ». La Cour confère à cette disposition une portée générale en la qualifiant de principe de droit social communautaire d’une importance particulière, interdisant de ce fait toute interprétation restrictive. Elle juge que la notion de « droits acquis ou en cours d’acquisition » doit recevoir une définition autonome et uniforme dans l’ensemble de la Communauté, indépendamment des qualifications nationales. Sont ainsi visés l’ensemble des avantages, en espèces ou en nature, qui découlent de la relation de travail. Le droit à une indemnité de licenciement, calculée en fonction de l’ancienneté et de la rémunération contractuelle, constitue un tel avantage. En conséquence, minorer cette indemnité en se fondant sur la rémunération temporairement réduite reviendrait à une perte de droits, ce que la disposition a précisément pour but d’éviter.
B. Le rejet de la distinction fondée sur les modalités du congé
Le gouvernement belge, intervenant dans l’affaire, soutenait qu’un travailleur en congé parental à temps partiel se trouvait dans une situation différente de celle d’un travailleur à temps plein, justifiant un calcul de l’indemnité sur la base du salaire effectivement perçu. La Cour rejette fermement cette argumentation. Elle observe que, malgré la réduction des prestations, le contrat de travail initial à temps plein demeure la référence. La période de congé parental est temporaire et ne modifie pas la nature fondamentale de la relation de travail. Le salarié continue d’ailleurs d’acquérir de l’ancienneté comme s’il travaillait à temps plein. La Cour refuse ainsi d’opérer une distinction entre le congé parental total, où le contrat est suspendu, et le congé parental à temps partiel, où l’exécution est simplement adaptée. Dans les deux cas, la protection des droits attachés au contrat initial doit être assurée, car la situation du salarié demeure fondamentalement liée à son statut d’employé à temps plein dont l’exécution du contrat est temporairement aménagée.
II. La sanction d’une pratique vidant le congé parental de son effectivité
Au-delà de l’interprétation littérale du texte, la Cour mobilise un raisonnement téléologique pour garantir l’effet utile de l’accord-cadre (A). Cette approche aboutit à une solution dont la portée renforce considérablement la protection des travailleurs (B).
A. Une interprétation téléologique au service des objectifs de la directive
La Cour rappelle que l’accord-cadre vise à concilier vie professionnelle et vie familiale et à promouvoir l’égalité des chances. Elle estime qu’une législation nationale ou une pratique qui aboutirait à une réduction des droits en cas de prise d’un congé parental irait à l’encontre de cet objectif. En effet, la perspective de percevoir une indemnité de licenciement diminuée serait de nature à « dissuader le travailleur de prendre un tel congé ». Une telle conséquence viderait le droit au congé parental d’une partie de sa substance en le rendant financièrement plus risqué pour le salarié. De surcroît, elle pourrait indirectement « inciter l’employeur à licencier, parmi les travailleurs, plutôt ceux qui se trouvent en situation de congé parental », ces derniers représentant un coût de rupture moins élevé. Par ce raisonnement pragmatique, la Cour met en lumière l’effet pervers d’un calcul basé sur la rémunération réduite et le neutralise au nom de l’effectivité des droits garantis par le droit communautaire.
B. La portée significative de la solution pour la protection des salariés
En jugeant que l’indemnité de licenciement doit être calculée sur la base de la rémunération afférente au contrat de travail à temps plein, la Cour ne rend pas une simple décision d’espèce mais établit un principe applicable dans tous les États membres. La solution assure que le choix d’un salarié d’exercer son droit au congé parental, quelle qu’en soit la forme, est neutre quant à ses droits en cas de rupture de son contrat de travail. Elle renforce la protection contre toute forme de pénalisation, même indirecte, liée à la prise de ce congé. La décision garantit ainsi que la flexibilité offerte par le congé parental à temps partiel ne se transforme pas en une précarisation des droits du salarié. Elle affirme avec force que les aménagements du temps de travail destinés à favoriser la conciliation entre les sphères familiale et professionnelle ne sauraient servir de prétexte à une diminution des garanties fondamentales attachées au contrat de travail.