La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 22 octobre 2015, précise les conditions d’exercice du droit à déduction fiscale. Une personne morale à but lucratif a entrepris la construction d’un parcours récréatif en bénéficiant d’une subvention publique couvrant la majeure partie des frais. Cette convention imposait la mise à disposition gratuite du site au public pendant une période de cinq ans sans possibilité de perception de recettes directes. La société a néanmoins déduit la taxe sur la valeur ajoutée relative aux dépenses d’investissement engagées pour la réalisation des travaux du parcours concerné. L’administration fiscale a contesté cette déduction en considérant que les biens acquis n’étaient pas destinés à être utilisés pour les besoins d’opérations taxées.
Le litige fut porté devant la Cour administrative suprême de Vilnius qui décida d’interroger les juges européens sur l’interprétation de la directive relative à la taxe. La question préjudicielle cherche à savoir si l’usage gratuit immédiat d’un actif fait obstacle à la déduction de la taxe payée lors de sa production. La Cour répond que le droit à déduction subsiste dès lors qu’un lien direct est établi entre les dépenses et l’ensemble de l’activité économique envisagée. Cette solution repose sur une analyse de la qualité de l’investisseur suivie d’une application souple du critère du lien direct aux activités de l’entreprise.
**I. La reconnaissance de la qualité d’assujetti par l’intention d’investir**
**A. L’affirmation du statut d’assujetti dès la phase d’investissement**
Le bénéfice du droit à déduction dépend de la qualité en laquelle agit la personne au moment où elle acquiert le bien ou le service. Les juges rappellent que « celui qui effectue des dépenses d’investissement dans l’intention, confirmée par des éléments objectifs, d’exercer une activité économique… doit être considéré comme un assujetti ». Cette définition permet une récupération immédiate de la taxe sans attendre que l’activité génère effectivement ses premiers revenus soumis au prélèvement fiscal en amont. L’intention de réaliser des profits ultérieurs suffit à conférer la qualité d’assujetti malgré l’absence d’utilisation directe des investissements pour des opérations taxées au départ. La Cour souligne que le système garantit ainsi la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques quels que soient leurs résultats finaux.
**B. L’incidence limitée de la mise à disposition gratuite du bien**
La circonstance que les biens d’investissement soient mis à la disposition du public à titre gratuit ne remet pas systématiquement en cause la qualité d’assujetti. La convention de subventionnement peut interdire la facturation de l’accès au site sans empêcher pour autant la poursuite d’autres activités économiques rentables sur les lieux. Le parcours récréatif peut être considéré comme un moyen d’attirer des visiteurs pour leur fournir ultérieurement des biens et services assujettis à la taxe. La juridiction relève que « l’utilisation immédiate des biens d’investissement à titre gratuit ne remet pas en cause… le lien direct et immédiat existant » avec l’activité. Cette gratuité initiale constitue une étape préparatoire s’inscrivant dans un projet global de nature commerciale dont la finalité demeure la réalisation d’opérations imposables futures.
**II. L’application du critère de lien direct à l’activité économique globale**
**A. L’intégration des dépenses d’investissement dans les frais généraux**
Le droit à déduction présuppose normalement que les dépenses effectuées pour acquérir des biens fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées ultérieures. La jurisprudence admet toutefois un droit à déduction même en l’absence de lien direct entre une opération particulière en amont et une opération spécifique en aval. Ce mécanisme s’applique lorsque les frais engagés font partie des frais généraux de l’assujetti et entretiennent un lien avec l’ensemble de son activité économique. Dans cette hypothèse, les dépenses de construction s’analysent comme des éléments constitutifs du prix des biens ou des services que la société fournit globalement. Le but recherché par l’assujetti est de « soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités ».
**B. Le contrôle de l’existence du lien par le juge national**
La Cour de justice délègue au juge national la mission de vérifier si les dépenses sont objectivement liées à l’activité imposable déclarée par l’assujetti. L’existence du lien direct et immédiat doit s’apprécier au regard du contenu objectif de l’opération en prenant en compte toutes les circonstances de l’espèce. Il incombe à la juridiction de renvoi de s’assurer que les travaux du parcours récréatif servent effectivement à inciter les visiteurs à consommer des prestations payantes. Si les éléments objectifs confirment cette intention commerciale, la déduction de la taxe ayant grevé les investissements initiaux doit être accordée sans restriction particulière. Le respect de ces conditions assure que les dépenses ne se rapportent pas à des activités se situant hors du champ d’application de la taxe.